Prémices à la mission 4

 

 

 

Sitôt de retour à Boston, le 15 novembre 1924, les trois compères décident de voir un médecin, mais ce dernier ne diagnostique chez eux rien d’anormal. Les malaises qui avaient suivi leur voyage dans la mine de Windy Point et les nausées ressenties dans le train avaient disparu. Sommers effectue bien quelques recherches en décrivant leurs symptômes, mais cela n’aboutit pas à grand-chose. Il découvre ce qu’ils savaient déjà, à savoir que c’était forcément lié à un matériau trouvé dans le sol de la mine et auquel avaient été confrontés les mineurs. Ses recherches l’orientent vers celles de Pierre et Marie Curie, qui avaient isolé le radium à partir de pitchblende. Mais à ce jour, aucune étude médicale ne semble encore avoir été faite quant à ses potentiels dangers, expliquant l’impasse dans laquelle se trouvait le Dr. Simmons.

 

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Pierre Curie (15 mai 1859, Paris - 19 avril 1906, Paris) était un physicien autodidacte français, principalement connu pour ses travaux en radioactivité, en magnétisme et en piézoélectricité. Son épouse Marie Curie (née Maria Skłodowska en Pologne le 7 novembre 1867) était une physicienne polonaise naturalisée française. Pionniers de l’étude des radiations, ils avaient reçu tous deux le prix Nobel de physique en 1903, avec Henri Becquerel (15 décembre 1852, Paris - 25 août 1908, Le Croisic). Marie Curie avait reçu son second Prix Nobel en 1911, cette fois-ci en chimie, pour ses travaux sur le polonium et le radium. Elle était la seule femme à avoir reçu deux prix Nobel et était également la première femme lauréate en 1903, avec son mari, de la Médaille Davy, pour ses travaux sur le radium.

Le 18 novembre, ils reçoivent une nouvelle lettre de Whitesnake. Ayant quelques semaines devant eux, chacun choisit de vaquer à ses occupations. Sommers choisit de quitter Boston dès le 20 pour retourner à Arkham où, logeant de nouveau à l’Hôtel Lewinston House, il commence à faire des recherches dans la bibliothèque de l’Université Miskatonic sous son déguisement de Jerry Renner. 

 

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Avant que l’université ne ferme ses portes la semaine suivante pour Thanksgiving, Sommers profite de son accès à la petite section des “Livres Rares” se trouvant à côté du bureau d’Armitage pour y faire une recherche approfondie dans les catalogues et relever les titres des ouvrages figurant dans les différents rayons de la Bibliothèque Orne, et qui lui semblaient en rapport avec le peu qu’ils avaient appris dans le livre de Matilda Prescott « A Burrower’s world ».

Les rayonnages de la bibliothèque étaient riches d’ouvrages aux titres évocateurs à Sommers / Renner … 

En effet, Sommers se mit en devoir de recenser les ouvrages perdus dans toutes les collections et y trouva plus d’un ouvrage intéressant. 

C’est dans la section des livres rares que  se trouvait une pièce fermée où, apprend-il, le doyen de l’Université Miskatonic avait décidé de mettre sous clef et de protéger ses livres les plus rares. Le Pr. Armitage souhaitait absolument être présent lorsque quelqu’un demandait à consulter ces ouvrages, et celui-ci étant absent, Sommers n’a malheureusement pas l’occasion de discuter avec lui d’un éventuel accès à cette collection “réglementée”. Néanmoins, il peut consulter une liste de ces livres.  « Clavis Alchemae » « Corpus hermeticum », « Cultes innommables », « Daemonolatreia », « Magie véritable », « Le Zohar », pour n’en citer que quelques uns. 

 

Après ces deux jours passés à la bibliothèque, Sommers reste la semaine suivante dans
la région d’Arkham. Profitant de la fermeture de l’Université Miskatonic, ne rouvrant que le 1er décembre et jusqu’au fêtes de Noël, l’ancien soldat tireur d’élite parcourt la campagne avoisinante, pratiquant l’athlétisme et s’entraînant au tir au fusil. Puis, à sa réouverture, il décide de lire plus en détails l’un de ces livres, dont les titres abscons tout droit sortis d’un magazine d’horreur pulp avaient attiré son regard. « Le Kriptikon » était malheureusement rédigé en grec ancien ; l’étude des « Tessons d’Eltdown », écrits par un prêtre (le révérend Arthur Brooke Winters-Hall), serait trop délicate et lui prendrait de dix à douze semaines minimum ; le livre sur les Mythologies polynésiennes, en anglais, semblait quant à lui plus accessible mais devrait quand même l’occuper au moins trois semaines… Sommers choisit donc de compulser le recueil de poésies « Azathoth et autres horreurs », moins épais, et rédigé en anglais par un certain Edward Pickman Derby. Il passe effectivement cinq jours à étudier ce recueil, poursuivant chaque matin son entraînement sportif et ses séances de tir. Il remarque que les derniers jours, il a du mal à se lever pour son jogging matinal, tant il est pressé d’aller à la bibliothèque pour poursuivre sa lecture …

Cet ouvrage écrit en 1919 se révélait être une série de poèmes macabres contant les imagerêves troublés par les recherches cryptiques de l’auteur. Ceci incluait le texte AZATHOTH, poème épique qui remplissait la moitié du volume et narrait ce que Derby prétendait être sa rencontre avec le Sultan Démon. D’autres titres comme « Le surgissement de la Némésis », « la Maison de la Chair », « Morts mais toujours présents », ou « le Baiser de la Méduse », le complétaient. Azathoth y était décrit comme le maître de “dieux extérieurs”, il existerait depuis le commencement des temps et résiderait au centre de l’univers accompagné dans une folle danse avec les autres dieux. L’auteur le nomme tantôt le Sultan des Démons, tantôt Celui de l’Abîme, ou encore Hunab Ku.

Des illustrations crayonnées venaient agrémenter les pages du livre qui était signé par l’auteur.

“Dans cet ultime abîme du plus grand désordre ou les chimères et les blasphèmes sont le centre de toute infinité, l’illimité Azathot, ce sultan des démons dont aucune bouche n’ose dire le nom à voix haute, se goinfre au milieu des battements sourds et insensés d’abominable tambours et des faibles lamentations monotones d’exécrables flûtes, au coeur de cavités inconcevables et sombres qui s’ouvrent au delà du temps.”

Après cette semaine d’étude plutôt éprouvante, particulièrement au regard de ce qui leur était déjà arrivé et au vu de ce que leur avait fait lire dernièrement Whitesnake, Sommers décide de ne pas consulter d’autres bouquins impies pour l’instant, comprenant le danger de telles lectures. Il aimait bien savoir à qui -ou à quoi- il avait affaire, c’était chose faite … En revanche, il effectue quelques recherches sur l’auteur de ce recueil. 

Edward Pickman Derby, né en 1890, était un Arkhamiste de souche ayant fait ses études de lettres à l’Université Miskatonic, où il avait rencontré et épousé sa femme Asenath Waite. Connu pour être l’auteur de récits d’horreur pulp aux relents sulfureux, Derby ne faisait pas vraiment parler de lui. Il possédait une propriété familiale sur West Walton Street, qu’ils avaient délaissée lui et son épouse pour une autre un peu en dehors de la ville. Ils y vivaient toujours et ne semblaient pas avoir de travail en ville … Se faisant passer pour un colporteur, Sommers se rend jusqu’à leur manoir hors de la ville (pas très éloigné toutefois) et s’approche de la vieille demeure entourée d’un vaste parc : Derbys’ House. La bâtisse était ancienne et assez sinistre, et en arrivant, il remarque qu’il n’y a pas trop d’éclairages à l’intérieur. Lorsqu’il sonne la cloche à l’entrée, une dame aux airs austères et à l’horrible regard globuleux vient lui ouvrir, lui expliquant que Maître Derby et Maîtresse Waite sont en déplacement à Innsmouth et qu’ils ne seront pas de retour avant probablement plusieurs semaines. 

 

imageA l’intérieur, de nombreux bruits lui laissent entendre qu’elle n’est pas seule et qu’il y a probablement une batterie de domestiques et de gens de maison. Et ce qu’il aperçoit par l’entrebâillement de la porte semblait plutôt cossu. Sommers n’insiste pas et repart aussitôt, avec un étrange sentiment, celui de ce regard globuleux qu’il sent dans son dos en s’éloignant et cette incertitude : elle avait comme des branchies sur la nuque, derrière les oreilles …

 

En ayant suffisamment appris, il retourne donc à Boston le 10 décembre et, décidant de squatter sa planque plutôt que de retourner à l’hôtel de Whitesnake, il se met à la recherche de munitions, de grenades et d’un lance-flamme. Ce n’est pas avec un poignard ou un revolver qu’ils pourraient faire face aux créatures décrites dans ces livres impies. Malheureusement, si les armes à feu sont facilement disponibles, ce n’est vraiment pas le cas de ce qui est plus exotique et il ne trouve nulle part aucun stock de grenades ou un quelconque lance-flamme…