Suffer little children

Le mardi 25 août à 19h00, Steeve Sommers et Arthus de Kerouac rejoignent comme convenu le petit salon privé de Whitesnake, où celui-ci les invite à prendre à verre en attendant l’arrivée de sa nouvelle recrue.
Venu par la route en voiture, le Chicagoan arrive avec près de 2 heures de retard à l’hôtel particulier de leur employeur ; c’est un irlandais lui aussi, ancien flic ayant quitté la police pour d’obscures raisons et devenu détective. Une certaine tension est immédiatement palpable entre Sommers et lui. Et c’est au tour du dîner préparé par ses domestiques que Whitesnake les
met au courant tous les trois de leur prochaine mission. Il a récemment répondu en leurs noms à une annonce parue dans le Boston Enquirer, proposant un weekend spectacle à la découverte du spiritisme dans une maison hantée, et il souhaite qu’ils y participent incognito pour deux raisons :

  • Étudier le comportement du spirite pour vérifier si ses dons sont réels ou s’il n’est qu’un charlatan,
  • Lier connaissance avec l’organisateur de cet évènement.

Vu le prix de l’inscription, des enjeux financiers semblent en jeu là-bas. Pour Whitesnake, rencontrer du beau monde et de futurs investisseurs potentiels est un objectif important, et il aurait peut-être besoin dans un proche avenir des services d’un medium efficace …


Cette escapade folklorique n’étant prévue que dans une semaine, les trois investigateurs en profitent pour vaquer à leurs occupations habituelles, faire plus ample connaissance et se renseigner. L’annonce a été passée par une agence de presse de New-York et les séances de spiritisme semblent effectivement très en vogue dans les cercles huppés. O’Donnell se révèle d’un caractère bourru et bien trempé, et il les met d’ailleurs rapidement en garde : « J’ai l’alcool mauvais … »
Sommers poursuit son entraînement physique dans une salle de sport, améliorant ses compétences d’athlétisme, tandis qu’Arthus reste enfermé la plupart du temps dans sa chambre à étudier le sortilège de soins décrit dans l’ouvrage d’Abel de St
Luc. Le Frenchy a d’ailleurs capturé un rat dans la cave et l’utilise comme cobaye : « Euh … Je vais lui couper la queue pour voir si ça repousse avec ce sort … » La veille du départ, O’Donnell et Sommers sont réveillés par des sanglots provenant de la chambre de leur compagnon, mais ils ne détectent rien d’anormal lorsque celui-ci leur ouvre en pleine nuit …
Le lendemain, après que Sommers ait longuement hésité à prendre sa mitrailleuse dans ses bagages au cas où (« Je la démonte ou pas … »), le trio se rend séparément à la Gare Routière où ils ont rendez-vous à 16h00. O’Donnell a décidé de se faire passer pour un veuf éploré, Sommers pour un jeune oisif en quête de sensations fortes, et Arthus estime que sa qualité de français est une couverture suffisante.
Ils font connaissance avec Herbert Whitefield, l’impresario responsable de ce petit week-end, qui leur présente le reste du groupe : Robert Carrington, le propriétaire de la maison, qui souhaite savoir si celle-ci est véritablement hantée ; Cécilia Peters, une jeune actrice bientôt célèbre ; Paul Lemond, le ‘très talentueux et extraordinaire’ spirite ; et enfin Martha, une veille dame à l’air sombre qu’il a embauchée pour la cuisine et l’intendance.
 Alors qu’ils s’apprêtent à partir, installés à bord du mini-bus peu confortable loué pour l’occasion par Whitefield qui se met au volant, une dame outrageusement pomponnée fait irruption. Il s’agit d’Irène Lemond, la mère du jeune spirite, venue lui apporter une petite
laine et quelques biscuits …


Pendant le trajet, Arthus drague la jeune actrice, qui le bombarde de questions sur la vie artistique parisienne et ne tarde pas à le saouler. O’Donnell, lui, discute avec Carrington. Ce dernier pense avoir vu le fantôme de sa soeur décédée -dont il ne garde aucun souvenir- dans la maison où ils se rendent.
Le jeune homme avait quitté cette demeure avec son père à l’âge de 4 ans et n’y avait jamais remis les pieds jusqu’à récemment, à la mort de ce dernier survenue quelques mois plus tôt. Paul Lemond, quant à lui, apprend à Sommers qu’il vient de New-York et que ses dons se sont révélés à lui un matin, après un coma prolongé à l’hôpital faisant suite à une longue maladie.
En chemin, Martha leur fait signer une décharge. Avec les esprits, on ne sait jamais …
Vers 19h00, ils atteignent enfin le village de Corbis Wood, un petit hameau doté d’une église, perdu au milieu des bois dans une vallée encaissée de la campagne de Providence. Les habitants ne se montrent guère accueillants à l’arrivée des citadins.

 

Un peu en retrait, sur une colline, le petit groupe aperçoit leur destination : la Maison Tannerhill. A l’intérieur, il n’y a pas d’électricité et c’est éclairés de bougies qu’ils visitent la maison poussiéreuse, un peu lugubre, dont les meubles sont recouverts de draps et dont les murs ne sont ornés d’aucune décoration artistique. Tout ce qui avait de la valeur a visiblement été emporté.
Au 1er étage, ils sont brutalement saisis de froid en pénétrant dans la chambre d’enfant, puis dans la chambre vide comme l’appelle Carrington : une pièce délabrée aux murs et au plancher très abîmés ! En terminant le tour du propriétaire, les visiteurs constatent que les WC sont à l’extérieur et qu’une partie de la cave a été condamnée.
Whitefield avait amené des lits militaires. L’impresario s’installe d’emblée avec Lemond dans la chambre principale, Carrington opte pour la petite chambre, O’Donnell et Arthus partagent la seconde chambre avec Cécilia, Martha couchera dans le salon, et Sommers prend la chambre d’enfant. Ce dernier y découvre dans un coffre une petite poupée en bois cassée, un ours en peluche miteux et un diable sur ressort dans une boite.

 

Pendant que Martha prépare le déjeuner, Whitefield propose d’organiser une séance de spiritisme dans le salon.
En retrouvant Boubou, l’ours en peluche qu’il avait lorsqu’il était enfant, Paul Lemond semble empli d’émotions et retrouver quelques bribes de souvenirs.
Tous se mettent en cercle autour de lui en se tenant par la main, et le spirite décide d’utiliser le diable dans sa boite -ayant appartenu à la soeur de Carrington- comme focus. Bientôt, le médium se raidit et c’est d’une voix de petite fille qu’il s’adresse à l’assistance :

« Paul, quelle joie de te revoir. Comme tu as grandi,
mon cher petit frère. Excuse-moi encore pour ce que tu sais… »


C’est alors que des bruit de pas résonnent lourdement derrière la porte du salon, dont la clinche se met à s’agiter soudainement comme si quelqu’un ou quelque chose l’actionnait violemment.

« Elle arrive, elle arrive !!! Libérez-moi, vite ! » hurle Lemond d’une voix de fillette paniquée. Steeve et Arthus rompent aussitôt le cercle de pouvoir et le spirite s’effondre sur le sol tandis que Sommers bondit vers la porte.


En sortant dans le hall, il aperçoit une vague silhouette de femme habillée façon 17ème, debout au bas des escaliers.

Cette femme le regarde de ses yeux éteints et, sans que ses lèvres fantomatiques ne bougent, il l’entend lui parler et lui dire : « Je suis Katherine, la gardienne de cette maison. Le rejeton de Satan est ici et je suis tout ce qui s’interpose entre lui et le monde. Voulez-vous m’aider à le détruire ? Suivez-moi, je vous montrerai … »
A cet instant précis, Sommers sait qu’elle lui dit la vérité et il la suit dans les escaliers jusqu’en haut des marches, la voyant traverser la porte menant à la chambre vide.

 

Mis au courant de cette apparition, O’Donnell et Arthus décident de fouiller la bibliothèque, où ils trouvent de nombreux exemplaires de la gazette locale. Les principaux sujets abordés y sont l’agriculture et la religion. Ils apprennent ainsi que le village a environ 300 ans et que ses habitants sont des protestants intégristes de l’Eglise Congrégationniste. La maison avait été bâtie en 1680 par Tannerhill, un riche marchand, et c’est en 1892 que Carrington père l’avait lui-même achetée. La maison était restée inhabitée entretemps …

De retour dans le salon, Carrington leur confirme que sa soeur aînée s’est bien suicidée. De son côté, Sommers monte au 2nd étage pour fouiner dans le débarras. Il découvre des tas de lettres et de notes appartenant à la famille Carrington, notamment 3 manuscrits qu’il empoche aussitôt :

  • une liste rédigée par Agnès Carrington (la mère) en 1892, concernant des réparations et des travaux à effectuer dans la maison ;
  • une lettre de cette même Agnès envoyée à son mari David Carrington (le père), dans laquelle elle exprimait son inquiétude vis à-vis des crises de colère de leur fille Jenny, très turbulente, et lui demandait de revenir d’urgence de son voyage d’affaires ;
  • et une rédaction écrite de la main enfantine de Jenny : « Mon ami et moi avons joué avec le diable. Il est mon MEILLEUR ami. Il fait s’ouvrir la boite et maman est très fâchée. »

Tandis qu’il descend au sous-sol, ses deux compagnons montent à leur tour à l’étage. Dans la cave, Sommers ne découvre rien d’autre que 7 bouteilles de vin du millésime 1895 qu’il dissimule dans un coin. Le Frenchy et l’Irlandais explorent le débarras et y dénichent un document ayant échappé à Sommers : une facture
datant de 1885 adressée à David Carrington et émanant de l’asile psychiatrique du coin, concernant les soins constants qu’y recevait sa femme Agnès …

Au premier étage, rangée dans un tiroir de la table de chevet de la chambre principale, Arthus et O’Donnell trouvent une Sainte Bible où des annotations ont été faites, par trois écritures différentes !!! Les trois investigateurs informent le reste du groupe de leurs découvertes autour du repas, et ils décident d’un commun accord d’invoquer l’esprit de Katherine Tannerhill.
Bien que la nuit soit tombée, Steeve effectue un rapide aller-retour jusqu’à l’église du village, où il convainc le révérend Lewis, trop obséquieux pour être honnête, de lui prêter un crucifix. Pendant ce temps, les autres préparent le rituel et, dès son retour, ils se mettent en cercle dans la chambre vide (la pièce où Sommers avait vu le fantôme disparaître).
Alors qu’ils se prennent la main et que le spirite entre en transe, la température chute brusquement, la fenêtre tremble avant de s’ouvrir en grand. Le spectre venait d’investir le corps de Lemond :


« Je suis la gardienne de cette maison. Le rejeton de Satan est ici et je suis tout ce qui peut s’y opposer. Par la grâce de Dieu, j’ai été unie dans le mariage à
Quentin mais notre union fut sans fruit. Nous avons adopté le fruit d’une union hors mariage entre Quentin et cette traînée de Marion Lee. Quel mal aurions
nous pu voir en cet enfant ? Il est dit dans les Saintes Écritures : Tu ne tueras point, mais il est dit aussi : Ne souffre pas que vive le mal, et cette sorcière était
maudite et sa progéniture souillée. Ai-je eu tort de tuer cette engeance ? La Bible est la seule vérité, les mots qui y sont écrits sont mon testament. Je dois
rester ici et protéger les vivants du rejeton du diable. Il est de retour, je reste jusqu’au jour du jugement dernier … »


Sur ces mots, Paul Lemond s’écroule et la fenêtre se referme dans un claquement … Un silence pesant règne parmi l’assistance, tandis que Whitefield ranime son ami médium et le conduit dans sa chambre pour qu’il se repose. Ces deux séances de
spiritisme l’ont vidé, le spirite doit se reposer, et ils devront attendre le lendemain pour une autre séance ‘extraordinaire’ de la sorte. Les hypothèses vont bon train, et un mélange d’excitation et de peur envahit les invités qui regagnent leurs chambres les uns après l’autre pour dormir et se remettre de leurs émotions.
O’Donnell, Sommers et Arthus descendent quant à eux à la cave. Après avoir bu l’une des bouteilles de vin, ils défoncent la porte bloquée donnant sur la pièce emmurée. A la lueur de leurs lampes torches, ils y font deux macabres découvertes. Enfoncé dans une poutre de soutènement, un clou laisse suinter des gouttes de sang frais (!) et, dissimulé sous un amoncellement de débris près de la flaque de sang s’élargissant sur le sol, ils déterrent le squelette d’un enfant.

Sommers décide de remonter au 1er étage afin de surveiller Carrington et le médium. Qui sait si l’esprit du Malin qui hante cette maison ne va pas s’en prendre à eux ? Restés au sous-sol, les deux autres retirent le clou de la poutre et la manifestation ectoplasmique cesse immédiatement. Convaincus d’avoir trouvé ce qu’ils cherchaient, les deux larrons retournent alors dans leur chambre, où la belle Cécilia ne les a malheureusement pas attendus …
Pendant la nuit, alors qu’Arthus fait de curieux rêves, Steeve entend des bruits suspects provenant de la cave. Revolver en main
et éclairé par la flamme tremblotante d’une bougie, il descend discrètement les escaliers. Soudain, il aperçoit en bas des marches menant au sous-sol une silhouette féminine sortant de la pièce secrète, une hache à la main. Et alors que celle-ci tourne vers lui d’énormes yeux, la bougie s’éteint brusquement dans un souffle. Plongé dans l’obscurité la plus totale, Sommers n’hésite pas et fait feu à l’aveuglette en direction de la menace.
Réveillés par la détonation, les autres se précipitent en bas. Ils trouvent Sommers le doigt encore crispé sur la détente et Martha, tremblante près de l’escalier, une estafilade sanglante sur le bras. Elle leur explique avoir entendu du bruit et être descendu voir à la cave où, après avoir ramassé une hache pour se rassurer, elle avait aperçu Sommers en haut de l’escalier, braquant une arme sur elle. Elle avait écarquillé les yeux de peur et avait bondi sur le côté quand la bougie s’était éteinte et qu’il avait tiré sur elle ! Pendant que les autres s’occupent de la domestique, O’Donnell tente de raisonner Sommers, convaincu que la vieille femme s’était faite posséder par le rejeton de Satan, comme l’avait prévenu la fantomatique Katherine. Après quelques frictions, tout rentre dans l’ordre et ils finissent tous par retourner se coucher.


Le lendemain matin, alors qu’Arthus continue sa nuit, les autres se retrouvent autour du petit-déjeuner frugal préparé par Martha. L’ancien flic expose à Sommers les conclusions auxquelles il est arrivé, mais celui-ci lui fait remarquer que le
comportement de leur intendante a changé. Comme d’ailleurs ses qualités de cuisinière (de simples oeufs ce matin, comparés au délicieux dîner de la veille !). Soudain méfiant, O’Donnell les entraîne tous au sous-sol.
Devant le petit squelette, Whitefield s’évanouit, les autres détournent les yeux … à l’exception de Martha qui n’a pas l’air surprise, comme absente. O’Donnell l’emmène au rez-de-chaussée pendant que Sommers résume rapidement la situation au
médium :
‘‘Selon eux, Katherine Tannerhill avait maltraité et torturé pendant des années son enfant adoptif, Luther, rejeton illégitime de son mari Quentin Tannerhill et de sa maîtresse Marion Lee, brûlée pour sorcellerie. A la mort de Katherine, son fantôme avait continué à hanter la maison, jusqu’à l’arrivée des Carrington. Le drame s’était alors reproduit … Le fantôme de Luther avait sympathisé avec Jenny, la soeur de Robert Carrington. Cette dernière avait été, tout comme lui, battue et brutalisée par sa mère, Agnès Carrington. Laquelle avait été possédée par Katherine et avait sombré dans la folie. C’est le cadavre de Luther qu’ils avaient trouvé dans la cave ; O’Donnell avait pu identifier sur ses os les traces des coups violents qu’il avait subi. Jenny, qui la veille encore s’était excusée de son geste auprès de son frère, avait préféré se suicider. Grâce au clou découvert dans la charpente.’’


Mais comment se débarrasser d’un fantôme immortel et libérer la demeure de cette malédiction ? Ils entendent alors du raffut provenir du rez-de-chaussée.
Après l’avoir empêchée de force de quitter la bâtisse pour aller à l’église, O’Donnell avait commencé à interroger Martha, ou plutôt Katherine. Celle-ci trifouillait la Sainte Bible qu’il lui avait remise, quand Cécilia Peters les avait rejoints. A sa vue, la vieille femme avait griffonné à la hâte une annotation supplémentaire sur l’ouvrage : LE REJETON DE SATAN EST REVENU !!!! , avant de se jeter sur elle, la bave aux lèvres. Le privé avait dû l’assommer net d’un coup de boule doublé d’un uppercut ! Le temps presse. Convaincre le révérend du village de pratiquer un exorcisme serait trop long, et Paul Lemond leur propose alors de tenter un renvoi d’esprit. N’ayant pas de meilleure idée, le petit groupe fait cercle autour de Martha, toujours inconsciente sur le sol.

Sommers se tient prêt à rattraper le médium, au cas où celui-ci s’effondre, pour ne pas briser le cercle. Un froid glacial envahit la pièce, tandis que le médium canalise les énergies négatives de la maison et les rassemble en lui, avant de les faire disparaître dans un soubresaut et de purifier ainsi la maison.
Martha revient à elle, gigote faiblement sur le sol en gémissant, avant de s’écrouler. Livide, Lemond serre les dents avant de s’affaler à son tour, heureusement soutenu par Sommers. La température revient dans la salle, l’atmosphère semble tout à coup plus légère, l’air moins pesant. Le spirite avait réussi !!! Toute manifestation surnaturelle ayant disparu de la maison, le week-end de spiritisme d’Herbert Whitefield tombait à l’eau.

Néanmoins, le trio n’en a pas fini ici ; O’Donnell se rend à Corbis Wood et, un brin menaçant, il persuade le révérend Lewis d’enterrer le corps de Luther dans le cimetière du village pour que l’âme du pauvre gosse trouve enfin la paix. Pendant ce temps, Sommers bricole une civière avec l’un des lits militaires et transporte ainsi le squelette jusqu’à l’église avec l’aide de Carrington. Arthus, lui, préfère continuer son numéro de séducteur auprès de la belle Cécilia. Sans trop de succès d’ailleurs … Ils ne parviennent pas en revanche à convaincre le pasteur d’enterrer en terre consacrée Jenny, inhumée sans cérémonie dans la fosse commune. La petite fille s’étant suicidée, ils essuient le refus catégorique du père Lewis. Carrington décide donc de faire rapatrier son corps à New-York où elle pourra reposer dans son caveau familial.
Le dimanche matin, l’ensemble du groupe assiste à la bénédiction, à la mise en bière puis à l’enterrement du petit Luther Tannerhill. L’émotion est palpable, même chez les plus endurcis comme O’Donnell ou Sommers. Se fiant à son instinct, ce dernier dépose dans le cercueil la petite poupée en bois qu’il avait trouvée dans la chambre d’enfant. Puis, après avoir remballé leurs affaires (Sommers en profite pour récupérer les six bouteilles de vin de 1895 planquées dans la cave), ils remontent à bord du mini-bus. Il était temps de retourner à Boston et de rejoindre la civilisation.
Arrivés à la Gare Routière, ils prennent congés les uns des autres.
Comme il lui avait promis lors du trajet aller, et pour se faire pardonner son tir nocturne impulsif, Sommers glisse à Martha dix dollars de pourboire. Paul Lemond, tout comme Carrington, se sent un peu redevables envers eux, et les trois compères en profitent pour parfaire leur mission. Le spirite et le riche new-yorkais acceptent volontiers de rester en contact, voire même de rencontrer leur employeur Mr. Whitesnake, et ils échangent leurs numéros de téléphone. Le jeune médium les quitte bientôt, escortée de sa mère qui était venue le chercher et de Whitefield, son vénal ami. Cécilia Peters part à son tour, au grand dam du Frenchy et d’O’Donnell. Quant à Carrington, il repart avec Boubou et le diable en boite de sa
soeur que Sommers avait ramassé avant de partir.


Ce qu’aucun d’entre eux ne saura jamais, c’est que Sommers avait été le temps de quelques heures l’hôte de Katherine, quand il l’avait vue dans le hall et jusqu’à ce qu’il tire sur Martha … Il n’en avait aucun souvenir.

 

 

Intermission

De retour à l’hôtel particulier de Whitesnake, le trio découvre que ce dernier s’est absenté et ne leur a laissé aucune instruction. Laissant ses compagnons à Boston, Sommers décide alors de retourner à Arkham. Ne sachant pas quand leur employeur compte revenir ou leur donner des nouvelles, pas question pour lui de rester bêtement en ville à attendre! 

Sous sa fausse identité, affublé d’une postiche et de grosses lunettes, il se rend donc une fois encore à la Bibliothèque de l’Université Miskatonic d’Arkham. 

Restant quotidiennement en contact téléphonique avec son ami de Kerouac resté à Boston, au cas où Whitesnake se manifeste, Sommers traîne ses guêtres sur le campus et dans la bibliothèque, cherchant à rencontrer le directeur de l’établissement, le Pr. Henry Armitage. Le vieil homme de 62 ans, docteur en philosophie de Princeton et docteur en littérature de Cambridge, est toujours pressé mais relativement 

accessible. Un homme érudit donc, mais qui ne semble pas avoir beaucoup de temps pour lui. Sommers (alias Jerry Renner) finit néanmoins par trouver l’occasion de prendre le thé avec lui et se présente comme féru d’archéologie, s’intéressant aux vieux manuscrits et aux objets anciens, étudiant les contes, légendes et mythes du passé; il lui parle des fouilles en Egypte qu’il a pu visiter et des clubs privés de passionnés parisiens qu’il a un temps fréquentés. Son objectif est de sympathiser avec Armitage et d’avoir accès à la petite salle de lecture privée du 2ndétage, juste à côté du bureau d’Armitage, où sont conservés les livres rares et les manuscrits les plus anciens et fragiles qui ne peuvent en sortir. 

Le professeur se montre intéressé par ses expériences parisiennes et africaines et, histoire d’enfoncer le clou, Sommers se propose même d’être donateur de l’établissement, à hauteur de US$ 250.00 (une certaine somme d’argent tout de même vu son salaire). Les donateurs sont toujours les bienvenus, et un mécène particulièrement généreux se verrait même inscrit à vie. Egalement ravi des dons de livres anciens, Armitage renvoie à ce sujet Sommers vers son directeur assistant, Wilfred Llander. L’accès à la salle de lecture lui étant ouvert en tant que membre inscrit, Sommers continue par ailleurs son entraînement physique; et au bout de 2 semaines, Arthus lui apprend qu’ils ont reçu une lettre de Whitesnake. Il regagne donc Boston.

De son côté, ayant réalisé que l’étude des «Secrets du Crépuscule» lui prendra plusieurs mois, Arthus de Kerouac décide de continuer d’approfondir ses recherches pendant ces deux semaines, abandonnant l’idée d’accompagner Sommers à Arkham. En bon rat-de-bibliothèque, il passe le plus clair de son temps à compulser ce fichu livre, enfermé dans sa chambre. Néanmoins, n’étant pas non plus un mollusque, il lui arrive de sortir prendre l’air … Histoire de faire une pause, de se sustenter dans un Diner’s ou de se frotter à la population américaine -surtout féminine d’ailleurs- en déambulant dans les parcs et les magasins. Il invite fréquemment O’Donnell à l’accompagner, profitant de sa présence pour ne pas manger son burger ou son T-bones tout seul. En revanche, c’est seul qu’il préfère partir en goguette et en repérage pour trouver quelque présence féminine. Marvin avait l’alcool mauvais … 

Ce dernier passe quant à lui ces 15 jours à visiter la ville de Boston, histoire de mieux connaître ses différents milieux: ses bars clandestins, ses putes, ses flics, ses détectives, sa mafia, son quartier irish, … A trois reprises néanmoins, le privé s’absente mystérieusement, quittant Arthus tôt le matin et ne revenant à l’hôtel que tard le soir. Lors de ses conversations téléphoniques avec Steeve ou de ses repas avec O’Donnell, le Frenchy décide de ne rien leur cacher des évènements inhabituels dont il faisait l’objet. 

  • Il faisait d’étranges cauchemars, qui le laissaient épuisé au petit matin, où il se voyait debout en haut d’un pont. 
  • Le soir où ils avaient rencontré Marvin, alors qu’il rentrait seul à ses appartements, il s’était senti attiré par le bord de la rivière et n’avait pu s’empêcher de marcher à l’extrême bord. 
  • Puis il y avait eu les sanglots qu’avaient entendus Marvin et Sommers. 
  • Dernièrement, sans même s’en rendre compte, il s’était dirigé vers l’hôpital le plus proche et s’était retrouvé à errer dans un endroit assez inhabituel ; il avait tenté de pénétrer dans la morgue avec le sentiment que la contemplation des cadavres allait lui apprendre des choses, attendant comme une révélation … 
  • Et enfin, il y avait ce sentiment d’être observé par un mystérieux homme en noir, maigre, qu’il avait peut- être vu deux ou trois fois, dont une en bas du bâtiment regardant vers sa fenêtre. Arthus a la ‘sensation’ qu’il était un peu trop présent lors de ses escapades citadines, comme s’il le gardait sous surveillance … 

«A ce titre, j’ai mis en place une routine pour éventuellement le débusquer: Je sors désormais à heure fixe, pour déjeuner et souper. Je 

fais toujours le même trajet, ce qui me permet de connaitre chaque coin et recoin où je pourrais l’alpaguer … Lorsque je serai sûr que je 

suis bien sous filature, je passerai à l’action. Seul ou avec vous!» les informe-t-il. «Pour le moment, rien n’est établi … Peut-être que 

je suis victime de surmenage, peut-être que les révélations extraordinaires de mes études me font quitter la réalité … Who knows?» 

Un jour, pris d’une inspiration, il contacte Paul Lemond, le spirit rencontré lors de leur week-end passé dans la maison hantée, histoire de savoir si celui-ci estégalement versé dans l’art de l’hypnose et, si c’est le cas, de faire une séance avec lui pour faire ressortir par la parolece que son corps exprimait à son insu … Il se garde bien de lui parler de ses expériences. Mais le médium ne pratiquemalheureusement pas l’hypnose. 

Celle-ci est en désuétude depuis longtemps aux Etats-Unis, alors qu’en Europe, des gens comme Charcot puis Freud l’utilisent beaucoup. Aux U.S.A., il n’y a guère que Morton Prince (né en 1854), fondateur de la “Psychological Clinic at Harvard University" et du "Journal of Abnormal Psychology" qui permet de retrouver un certain élan dans la communauté scientifique. Les vues différentes de Freud et de Prince à propos de la question de la dissociation de la conscience établissent une scission entre les écoles Américaines et Européennes. Le mécanisme de la “dissociation” pour Prince ne renvoie pas systématiquement à l’amnésie et au refoulement, et l’état provoqué par la dissociation ne peut pas être assimilable à l’hystérie, même si l’hystérie peut être considérée comme un cas pathologique de dissociation. De même, les personnalités multiples ne sont pas systématiquement considérées comme des cas d’hystérie aux States. Lemond lui apprend qu’il est possible d’obtenir un rendez-vous avec un élève de Prince-lequel ne pratique plus ou presque-, mais que l’attente sera longue. Arthus décide donc de prendre son mal en patience et cherche à prendre contact avec l’un d’eux afin de fixer une entrevue. 

Lorsqu’arrive le courrier de Whitesnake le lundi suivant, il prévient Sommers par téléphone, lequel les retrouve à la mi-journée. 

Boston
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