Black Hills et sombre secret !

Accompagné de Sommers, O’Donnell se rend à l’adresse indiquée. La Librairie de l’OEil Vide est spécialisée dans les livres d’histoire et d’art et possède également un petit rayon traitant des légendes et autres choses mystérieuses : Cathares, Franc-Maçonnerie, Rose Croix, … Le livre qui leur est remis est emballé dans du papier kraft.

 

De retour dans leurs appartements, ils ouvrent le paquet et découvrent qu’il s’agit d’un bouquin pas très épais (un mince in-16), intitulé « A Burrower’s world » et écrit par une certaine Matilda Prescott. Le livre est la traduction d’un ouvrage rédigé en français. O’Donnell met seulement trois heures à le lire. Sommers ronge son frein en attendant et, à peine le privé a-t-il terminé sa lecture, qu’il demande à pouvoir le consulter lui aussi. « Sacré Sommers ! » lui dit celui-ci, avec un léger sourire énigmatique sur le visage …

Deux heures plus tard, Sommers referme l’ouvrage à son tour, dubitatif. Le livre a été écrit et publié en 1871. Son auteure se révèle être une cartomancienne américaine, ayant vécu 129 ans (1776-1905) ! Elle avait résidé en France de façon quasi permanente à partir du milieu du XIXème et y avait été fréquemment en contact avec l’ingénieur Gustave Eiffel. Toute sa longue vie durant, elle avait apparemment parcouru le monde (Nouvelle Angleterre, Italie, Vatican, France,…), et elle racontait dans ce petit bouquin relié cuir qu’elle avait appartenu à une mystérieuse organisation secrète (qu’elle ne nomme pas), prétendument vouée à la lutte contre des Êtres venus d’ailleurs, voire même étant sur Terre quelque part, qui attendaient que leur temps revienne ! Elle y mettait en corrélation plusieurs cultes étranges et de nombreuses manifestations ésotériques de différentes époques de l’humanité, telles que, par exemple, “L’homme en blanc” que l’on pouvait croiser le long des routes de la Nouvelle Angleterre et qui serait une manifestation d’une divinité antique du Kenya appelée “le Vent Noir”, ou encore le Dieu Athu des Congolais qui se manifesterait sous la forme d’une masse gélatineuse dorée et tentaculaire … Prescott faisait le parallèle entre tout cela, apportant des informations et des preuves plutôt troublantes. Ce bouquin, qui lui a paru de prime abord complètement imbécile, contient finalement des précisions lui semblant curieusement véridiques !

 

L’après-midi passe comme une flèche et, en début de soirée, Sommers propose à ses deux coéquipiers d’embarquer immédiatement de quoi mettre le feu à la baraque de Jefferson et de partir sans tarder pour Highcliff. O’Donnell s’occupe de récupérer essence, huile, briquet, … de quoi cramer tout ça à l’ancienne. Puis il accepte de conduire le “rigolo” et le “suicidaire” au manoir, afin qu’ils y arrivent discrètement en pleine nuit. De Kerouac participe bien entendu à la mission de Whitesnake, espérant que cela lui donnera l’occasion de lire ce nouvel ouvrage que ses deux collègues sont allés chercher. Le trio prend la route. Sommers s’est assis à l’avant à côté de Marvin afin de le guider, et ils profitent du voyage pour parler enfin de leur première mission à Arthus et à lui. Steeve le met au courant de toutes leurs aventures : les truands, la Grecque, les monstrueuses créatures, … Il passe juste sous silence les différents objets récupérés : le sablier récupéré à l’ “Eastern Union Bank”, le flacon de sable noir lunaire et les inscriptions en cunéiforme décrivant le rituel.

Lorsque Sommers lui apprend où il a passé les deux dernières semaines et ce qu’il a fait à Arkham, O’Donnell ne peut réfréner un sourire en coin. A l’arrière de la voiture, Arthus bouquine le livre de Matilda Prescott. Mais les routes étant parfaitement dégueulasses, les voitures bruyantes et les incessantes discussions entre Sommers et O’Donnell gênantes à la longue, il n’a pas trop de l’aller –et du retour- pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de l’ouvrage. Il devra même passer encore un peu de temps dans sa chambre à leur retour pour vérifier certains passages dans « Les Secrets du Crépuscule ». Arrivés sur place, ils incendient la demeure de feu Bartolomew Jefferson et font disparaître les cadavres comme le leur a demandé Whitesnake. Puis ils retournent à Boston dans la foulée, ni vus ni connus. Mais une myriade de questions troublantes leur trotte dans la tête. Quels buts poursuit donc Whitesnake ? Pourquoi leur faire lire ce livre ? Dans sa lettre, celui-ci leur avait dit avoir fait des recherches sur les sagaies et trouvé d’étranges références à elles dans un livre.

 

Effectivement, dans le bouquin de Prescott, il est aussi fait mention d’une autre facette de cet “homme en blanc”, nommé également Nyarlathotep “le Chaos Rampant”, qui aurait comme serviteurs des monstruosités de la lune. Ils en trouvent d’ailleurs une illustration dans l’ouvrage ainsi qu’une photographie montrant les armes utilisées par ces créatures et démontrant leur présence parmi les humains depuis fort longtemps … 5 jours après la lettre de leur employeur, O’Donnell reçoit un télégramme d’un certain Kevin Nordbridge, les contactant sur les recommandations de Carrington. Le privé décide aussitôt d’appeler ce dernier afin d’en savoir un peu plus. Il a assez facilement Carrington au téléphone, lequel semble très heureux de lui parler et lui confirme qu’il a effectivement été contacté par l’un de ses amis, directeur d’une mine dans le Sud Dakota.

 

Celui-ci souhaitait avoir son avis à propos de morts survenues en trop grand nombre pour être de simples accidents … Carrington n’en sait pas plus, mais reconnait avoir donné les coordonnées de Marvin. Leur attitude lors du week-end à Corbis Wood lui a laissé penser qu’ils sont des gens très capables, pas facilement impressionnables et ouverts à toutes les possibilités qui pourraient entourer cette affaire, et il a voulu ainsi leur donner un coup de pouce, car nul doute que la proposition de son ami devrait être honnête. Arthus estime qu’ils devraient demander US$ 250.00 au minimum, mais Sommers et O’Donnell ne sont pas de cet avis. Autant accepter, la somme est correcte, et il sera toujours temps de renégocier sur place en fonction de ce qu’ils trouveront …

Ayant plusieurs jours devant eux avant leur départ, ils en profitent pour se renseigner un peu sur le Sud Dakota, sur la compagnie NWI, sur ce Kevin Nordbridge qui les a contactés, sur d’éventuels phénomènes “ésotériques” survenus dans des mines souterraines relatés dans certains bouquins auxquels ils ont eu accès, … Rien sur l’expéditeur du télégramme Kevin Nordbridge, simple directeur local probablement. En revanche, la NWI (New World Incorporated), dont le siège social se trouve à Chicago dans un gratte-ciel administratif, est une grosse multinationale.Son président se nommeEdward Chandler.

Les journaux ne lui donnent pas grand avenir car elle se diversifierait trop : des chantiers navals sur la côte ouest des Etats-Unis et en Angleterre, des centres de recherche sur les réseaux électriques et sur les transistors à Oakland, et de nombreuses mines en Amérique. L’une d’elles se trouve d’ailleurs à Windy Point dans le Sud Dakota, dans la région des Black Hills, près de la ville de Rapid City. On y extrait de l’or, du plomb et du pitchblende (un minerai riche en uranium).

Côté surnaturel, ils ne trouvent pas trace de sites archéologiques ou de cimetières indiens autour de Windy Point, mais les Manuels d’Histoire leur confirment que la région des Black Hills, théâtre des aventures de Calamity Jane, de Wyatt Earp ou du Général Custer, semble être un endroit magiquement puissant. C’est là que s’étaient déroulées les dernières grandes guerres indiennes empreintes de mysticisme et qu’était né le “mouvement de la Danse Fantôme”.

 

Bien qu’ayant envie de faire un break, Arthus a beaucoup de mal à résister à l’envie de poursuivre la lecture de son ouvrage d’occultisme … Peut-être va-t-il encore y trouver de nouvelles corrélations avec des évènements passés ? Il accompagne  cependant Sommers dans les jardins publics pour y draguer la gueuse, sans trop de succès, et finit par aller avec lui dans une salle de sport, lui y donnant même une bonne leçon de boxe. Marvin aussi s’entraîne et, pour évacuer le whisky de la veille, il part tous les matins faire son jogging quotidien avec Steeve. Il en profite pour lui avouer s’être rendu lui aussi à trois reprises à la Bibliothèque d’Arkham, sur les conseils de Lemond, et l’y avoir vu affublé de sa ridicule moumoute et de ses fausses lunettes ! Une nuit, Arthus vient tambouriner violemment à la porte de ses compagnons. Par la fenêtre de sa chambre, il a vu dans la rue une forme sombre accroupie près de leur voiture et se déployer en se tournant dans sa direction. Le mystérieux homme en noir … Le trio ne découvre absolument rien d’anormal à l’extérieur, mais craignant que l’inquiétante présence ne soit liée au livre d’Abel de St Luc, Arthus le confie à contrecœur à Marvin avant de se coucher. Ce dernier le remet à Sommers. Cela n’empêche pourtant pas le Frenchy de passer une mauvaise nuit.

 

Ils préparent aussi leur matériel avec soins : Marvin cherche des vêtements appropriés et des torches, Arthus leur conseille de prendre des masques à gaz, Sommers astique ses armes. Cette fois, ce dernier ne tergiverse pas avant de s’armer lourdement et il s’occupe d’acheter en ville trois mitrailleuses Thomson modèle 1921 - ou “Tommy Gun”-, avec trois étuis de violon pour les transporter et trois chargeurs chacune. Il négocie le tout pour US$ 650.00, mais il les revend respectivement US$ 300.00 et US$ 200.00 pièce à ses coéquipiers.

Le jour du départ, c’est chaudement habillés dans le style local du coin qu’ils se rendent à la gare, après avoir laissé un mot à Whitesnake. Sommers est coiffé d’un Stetson, Marvin arbore une casquette du plus bel effet, et ils emportent tous deux une large malle contenant les armes : trois Colts 38 et 45, une dague, un Bowie knife et un coup-de-poing américain, le fusil « Enfield » et les trois mitrailleuses, auxquels Sommers rajoute 2 grenades ramenées de la guerre.

A bord du train, ils s’installent tous les trois dans un compartiment, en compagnie d’une grosse femme en train de s’empiffrer, qu’ils installent rapidement dans celui d’à côté. Le voyage leur prendra 2 jours et 1 nuit, et ils passent la première journée à discuter, à se raconter leurs passés et à jouer aux cartes. Le soir venu, ils ferment le verrou et, malgré la proposition de Sommers, ils s’endorment sans tour de garde. Mais en pleine nuit, Marvin se réveille brusquement. Sommers dort toujours d’un sommeil de plomb, mais Arthus n’est plus là ! Dans le couloir, ils aperçoivent leur ami au bout du wagon, debout juste devant la porte donnant sur l’extérieur, en train de basculer comme s’il allait se jeter dans le vide. Marvin le rattrape de justesse, et le Frenchy leur explique que l’homme en noir est apparu dans leur compartiment, et qu’il l’a suivi jusqu’au ici au bord du vide, avant d’entendre cette voix : « Les secrets du crépuscule sont à moi ! », au moment où il a vu Marvin face à lui en train de l’agripper !?!

Quelques heures plus tard, au beau milieu de la nuit, ils doivent changer de train à Chicago et décident cette fois d’instaurer des tours de garde. Marvin fume clope sur clope dans le couloir avant de réveiller Sommers, qui trouve sa surveillance insupportablement longue. Mais rien d’autre ne se passe jusqu’aux premières lueurs de l’aube, et aucun évènement particulier ne ponctue cette nouvelle journée, alors qu’ils traversent les étendues du Sud Dakota et la ville de Deadwood. En fin d’après-midi, ils arrivent enfin au terminus de la ligne ferroviaire, la petite ville de Rapid City.

Sur le quai, le petit groupe est accueilli par un beau gosse blond d’une trentaine d’années, à l’allure fière et sportive, qui tient une pancarte. Il s’agit de l’ingénieurScott Wallace, bras droit de Kevin Nordbridge, le directeur de la mine de Wendy Point. Celui-ci fait signe d’un geste à deux gamins chinois immobiles à ses côtés de charger les malles des arrivants dans son camion, Sommers leur donne un pourboire, et en avant pour les Black Hills !

 

La route est chaotique, et il leur faut près de 3 heures pour atteindre la mine. En chemin, ils interrogent leur hôte, embauché un an auparavant, et ce dernier leur apprend qu’ils ont connu huit décès en huit mois. Des suicides à chaque fois. Selon les Indiens travaillant à la mine, ce sont les “mauvais esprits des collines” qui s’abattent sur le campement en représailles contre les hommes blancs. L’Etat avait en effet repris la concession aux Sioux pour la donner aux prospecteurs, repoussant les frontières indiennes à l’intérieur des Black Hills. Au détour d’un virage, ils aperçoivent cinq ou six silhouettes à cheval, immobiles en haut d’une crête, qui semblent observer leur camion. « Des Indiens de la réserve » leur explique Wallace …

C’est en fin de journée, alors que le soleil se couche sur les collines rocailleuses, qu’ils atteignent les baraquements de la mine. Le camp est en EFFERVESCENCE. Quelques heures plus tôt, les mineurs avaient entendu un hurlement provenir du bureau du directeur et ils avaient trouvé ce dernier mort à l’intérieur ! Suivant Wallace, le trio se précipite dans la pièce et ils découvrent Kevin Nordbridge, affalé dans une mare de sang sur sa table de travail, une pioche plantée dans le crâne, des papiers ensanglantés éparpillés autour de lui. Deux hommes sont à l’intérieur, en train de faire les premiers constats : le Sheriff Dan Updike et le Dr. Erasmus Simmons. Sur le mur derrière eux, un grand tableau noir est couvert d’un schéma complexe dessiné à la craie, des traits droits mélangés à des courbes et à des diagrammes compliqués annotés de chiures de mouche. L’ingénieur n’est pas sûr de reconnaître l’écriture et ce dessin leur donne à tous une impression bizarre. Les présentations faites, le shérif les quitte d’un air maussade. Il reviendra à Windy Point dans trois jours avec un mandat ; d’ici là, qu’ils fassent ce que bon leur semble puisqu’ils ont été engagés par la NWI. Le docteur le suit bientôt pour rejoindre l’infirmerie où beaucoup de malades l’attendent, et l’ingénieur leur emboîte le pas. Restés seul, Arthus et O’Donnell examinent attentivement le corps pendant que Sommers recopie le diagramme sur un cahier et en fait plusieurs photos à l’aide de l’appareil trouvé sur place dans l’armoire. Compte tenu de l’absence de traces de lutte ou d’effraction, des marques de craie sur le manche de l’outil et les mains du cadavre, ainsi que de l’angle d’inclinaison du manche de la pioche, l’ancien flic en conclut avec certitude qu’il s’agit d’un suicide. Le directeur a dû être possédé par un esprit l’ayant poussé à mettre fin à ses jours …

 

Arthus reste à étudier les papiers couverts de sang jonchant la table, des documents comptables à première vue, pendant que Sommers décide de traîner dans le camp et que Marvin se rend à l’infirmerie. Le Dr. Simmons est débordé. Il doit s’occuper de ses nombreux patients, douze au total, dont six sont tombés malades le matin même. Le médecin semble complètement dépassé. Peau abîmée, forte fièvre, perte de cheveux et des dents, … la maladie évoluait très vite et il n’a aucune idée de ce qui arrive. Restant sur le pas de porte par précaution, Marvin lui demande de faire apporter au logement qui leur a été attribué les dossiers médicaux des 200 mineurs, ainsi que les rapports concernant les huit précédents suicidés … qui étaient curieusement tous logés dans le même baraquement.  A l’extérieur, Sommers ne réussit pas à parler au petit groupe de mineurs indiens, qui s’éloignent lorsqu’il s’approche d’eux, et il tente sa chance au bar. Les mineurs sont énervés, beaucoup ont déjà quitté Windy Point, et le contremaître Coleman imbibé d’alcool ne fait que lui confirmer ce qu’ils ont appris jusque-là. De son côté, Arthus finit par découvrir dans les relevés de compte des différences entre les volumes de pitchblende extraits de la mine et ceux envoyés par containers ferroviaires à la NWI. Il

reconnaît à son écriture que c’est le directeur lui-même qui aurait maquillé ces chiffres.

Il est près de 23 heures. A la lueur d’une lampe à pétrole, les trois enquêteurs fouillent la chambre de Nordbridge mais sans rien de trouver de particulier. Rien sur ces détournements de minerai ou un trafic éventuel. Une photographie sur la table de chevet leur apprend que l’homme était marié et avait une petite fille … Une raison de plus pour ne pas vouloir se donner la mort. Utilisant un subterfuge, Marvin décide cependant de faire croire à Scott Wallace qu’ils ont découvert chez Nordbridge des choses compromettantes à son sujet. Après tout, c’est lui qui se retrouve en charge de la mine à présent. Le privé le bouscule et le malmène un petit peu, histoire de le pousser dans ses retranchements. Mais l’ingénieur a l’air sincère : le pitchblende n’a aucune valeur marchande, il ne sert qu’à colorer le verre une fois mélangé avec du plomb, et il a du mal à croire que son patron aurait détourné ce minerai … Cette fois encore, ils instaurent des tours de garde pendant la nuit. Marvin occupe le sien à classer par baraquement les dossiers des mineurs apportés par le Dr. Simmons, puis à éplucher consciencieusement ceux des suicidés. Sommers fait ensuite les cent pas autour de leur baraque, certain que la réponse à leurs questions se trouve dans les Black Hills chez les Indiens. Arthus prend le dernier tour de garde, mais ses compagnons le retrouvent profondément endormis au petit matin. Il a bien cru entendre le bruit d’un camion avant de plonger dans le bras de Morphée, mais Wallace leur indique qu’il n’en manque pourtant aucun.

Après avoir parcouru les dossiers médicaux sans rien trouver d’inhabituel, ils décident d’interroger le contremaître et les six survivants du baraquement concerné. O’Donnell tente d’intimider Coleman, le rudoyant quelque peu de la même façon que pour Wallace la veille au soir : il lui fait croire que Nordbridge parle de lui dans son journal intime et l’implique dans son trafic de pitchblende. Mais l’homme tombe des nues et semble honnête : « Ce minerai n’a aucune valeur, faut être débile pour en voler, moi j’aurais piqué l’or si ça avait été moi ! » Quant aux mineurs du baraquement encore en vie, dont l’un manque à l’appel (John Le Pierce), ils leur apprennent que tous les suicidés ont eu des problèmes de cauchemars récurrentsavant de mettre fin à leurs jours : des monstres, des étendues sauvages désertiques, … des choses sonnant un peu trop familièrement aux oreilles du trio. S’équipant de leurs masques à gaz, de gants et de grosses bottes, Arthus et Marvin prennent alors leur courage à deux mains pour fouiller de fond en comble le baraquement suspect. Mais ils font chou blanc, tout comme Sommers partit de son côté visiter le hangar de stockage.

 

Ils décident alors de s’aventurer dans la réserve indienne pour y trouver le campement indigène, et c’est sous les mises en garde de Wallace qu’ils s’éloignent à cheval dans les Black Hills. En pleine forêt, cinq Indiens armés de fusil surgissent brusquement au galop devant eux, invectivant violemment les trois costards-cravates. Sommers essaie de calmer le jeu, mais alors que la situation s’envenime et semble prête à dégénérer, un sixième Indien fait son apparition. Une Winchester à la main, habillé à l’occidental, il ordonne aux autres de se calmer : « Tommy Morningstar veut les voir. Calme-toi, John Redfoot ! Laisse-les tranquilles ! » Il s’agit de William Jackrabbit, le shérif indien des Black Hills. Celui-ci les conduit au lit de la rivière puis les escorte jusqu’au village indien des Lakotas. Les squaws et les papooses les observent à distance d’un oeil hostile, tandis que Jackrabbit les amène au tipi de Tommy Morningstar, l’Ancien du village doté de grands pouvoirs. Un vieil Indien tout parcheminé sort les accueillir : « Vous êtes ceux que j’attendais. Le Grand Hibou m’a annoncé votre venue. Il m’a dit que vous iriez combattre dans la grande plaine et sur la Lune, et que la Bête vous craindrait. Suivez-moi dans mon tipi ! » Sommers dépose ses armes à l’entrée, et le trio pénètre dans la yourte de Tommy Morningstar, le dernier homme-médecine de la nation sioux.

 

« C’était il y a de très nombreuses années, au temps du grand-père de mon grand-père. C’était le temps où les Lakotas traversèrent pour la première fois les Badlands et trouvèrent le Coeur de Tout, les Collines de poussière. Cet hiver-là, il y eût de grands troubles au Ciel. Les esprits malins créaient des problèmes et cherchaient à capturer les étoiles et rendre la nuit noire. Les esprits malins furent chassés du Ciel, et ils tombèrent sur la Terre dans un grand tonnerre. Sur Terre ils devinrent des insectes, condamnés à ramper pour toujours. Les insectes voulaient retourner au Ciel, mais ne le pouvaient pas, ils cherchèrent donc à rendre les hommes fous et à empêcher tout être humain de se rendre au Ciel, afin qu’ils puissent régner sur la Terre et renier aux êtres humains les beautés des Cieux. Les criquets chantèrent leurs étranges mélopées aux Arikaras et les rendirent fous, de sorte que les Arikaras oublièrent leurs ancêtres et ne savaient plus les Chants du Buffle ou du Coyote. Ils devinrent cupides et gaspilleurs, et commencèrent à manger la chair d’autres êtres humains, et à boire le sang de leurs propres enfants. Le peuple de mon aïeul fut troublé. Ils décida finalement de s’allier avec les Lakotas afin de déclarer la guerre aux déments Arikaras avant que les criquets ne puissent chanter leurs chansons à qui que ce soit d’autre. Le grand-père de mon grand-père, Ombre de la Lune, demanda l’aide du Loup. Le Loup lui enseigna un chant qui clôt les bouches des criquets et trouble leur esprit. Mon peuple combattit longtemps contre les déments Arikaras, et les tua tous. Les insectes se réfugièrent dans les profondeurs de la Terre et s’endormirent. Maintenant les serviteurs de l’argent sont venus creuser pour l’or et les autres pierres. Ils ont réveillés les criquets, et les criquets les rendent fous et malades. Mais désormais, vous êtes arrivés. Le Hibou m’a dit que c’est vous qui arrêterez ces esprits maléfiques, ou les renverrez sous la terre. »

 

Un silence de plomb fait suite à ses paroles. Mais le vieux sage se met soudain à psalmodier une curieuse litanie, fixant O’Donnell du regard. Arthus et Steeve restent interloqués quand leur ami se met à hoqueter violemment, que des soubresauts agitent son corps et qu’une immonde bestiole s’extirpe lentement de sa bouche. Une sorte d’insecte volant chitineux de 10-12 cm, avec des ailes de chauve-souris, trois bouches pleines de dents acérées et six pattes. Un “criquet” ! L’horrible insecte, comme estourbi par l’incantation du vieil Indien, commence à ramper par terre. Pris de haut-le-cœur, Marvin vomit sur le sol du tipi tandis que Sommers écrabouille la créature d’un coup de botte. Les trois compères sont horrifiés, et Marvin en particulier … Comment cette abomination s’est-elle retrouvée à l’intérieur de son corps ? Elle avait dû profiter du sommeil d’Arthus pendant son tour de garde. L’homme-médecine leur apprend alors que les criquets prennent en effet possession des humains en les contrôlant de l’intérieur.

« C’est l’homme blanc qui a réveillé les criquets. Et le Grand Hibou m’a informé que c’est l’homme blanc qui les renverrait dans les profondeurs » leur explique-t-il avant de leur enseigner l’antique mélopée indienne, permettant d’expulser ces affreuses bestioles -le “Shan" comme les appelle Morningstar-, hors du corps de leurs hôtes et de les repousser. Ils prennent ensuite congé du shaman et sont reconduits sans tarder à la limite de la réserve par Jackrabbit. L’après-midi touche à sa fin lorsqu’ils arrivent à Windy Point. N’importe qui pouvant avoir été infecté par un parasite, ils se gardent bien de mettre au courant qui que ce soit de leurs expériences chez les Sioux. Il n’y a plus que 55 mineurs à la mine, la plupart ont déserté le campement. Le Dr. Simmons déplore ses premiers morts, et ils le trouvent en train de fumer une cigarette, lui qui hier encore refusait une clope d’ O’Donnell … Quant à Scott Wallace, il a l’air complètement dépité.

 

Il est temps de passer à l’offensive. En prévision de ce qui les attend, pendant qu’Arthus et Marvin restent dans leur quartier à remonter les mitrailleuses Thomson, Sommers récupère des explosifs dans le bureau de Nordbridge dont l’ingénieur leur a confié hier la clef : une quarantaine de bâtons de dynamite. Puis il prend son repas du soir à la cantine, en compagnie de Wallace dont le comportement éteint et les questions anodines éveillent sa méfiance, avant de ramener des fruits et des conserves à ses coéquipiers. Le trio décide de se coucher tôt et, vers minuit, ils rejoignent subrepticement, les uns après les autres, le hangar où sont parqués les camions. Comme à son habitude, Arthus n’est pas très discret mais nul ne semble remarquer leur manège nocturne. Alors qu’ils somnolent, allongés depuis près de trois heures sous le premier camion de la file, des bruits de pas se font entendre. Ils reconnaissent aisément les bottes de Scott Wallace, qui s’installe au volant, tandis qu’un deuxième homme lui ouvre avec précaution les portes de l’entrepôt. Alors que le véhicule démarre, les trois compères grimpent rapidement à l’arrière parmi les caisses (de pitchblende ?), avant que l’inconnu referme les portes et monte lui aussi dans la cabine. Ils sont ainsi brinqueballés en pleine obscurité sur une route caillouteuse pendant une bonne heure, lorsque le camion ralentit soudain, entamant la montée d’un affleurement rocheux. Ils en profitent pour sauter du camion et le suivre à distance. Le chemin mène à un plateau rocailleux et le véhicule s’arrête face à une anfractuosité presque invisible à l’oeil nu. L’entrée d’une caverne. Dissimulés dans la pénombre, ils distinguent Wallace et un mineur, probablement le dénommé John Le Pierce, décharger une première caisse et s’enfoncer dans l’obscurité.

Alors qu’ils hésitent à pénétrer eux aussi dans le sombre boyau souterrain plongeant dans les profondeurs de la montagne, ils perçoivent un curieux bourdonnement résonner à l’intérieur du tunnel et remonter vers la surface. Les “criquets” ont été avertis de leur présence, et cinq de ces affreuses bestioles sortent de la grotte en voletant, tenant même de petits objets entre leurs griffes. Grâce au chant appris du shaman, les trois compagnons les repoussent à l’intérieur du souterrain, tout en avançant à la lueur tremblotante de la lampe à pétrole tenue par Arthus. Le tunnel artificiel, vraisemblablement creusé par l’homme et renforcé par de nombreux étais, s’élargit bientôt, et ils finissent par déboucher sur une petite salle, de 30 mètres de large sur 15 mètres de profondeur environ. C’est une véritable nuée d’insectes qu’ils doivent dorénavant repousser de leur mélopée magique ! Au milieu de la paroi face à eux, ils distinguent une ouverture donnant sur une vaste caverne souterraine d’où provient un vrombissement assourdissant et où quelque chose semble irradier en son centre. S’approchant de l’ouverture, ils voient à l’intérieur de la cavité une structure métallique de 80 mètres de haut, un cône de métal gigantesque fissuré à sa base d’où s’échappe une aura bleue/verte inquiétante ! La forme de ce réacteur leur rappelle le schéma dessiné à la craie sur le tableau de Nordbridge. On aurait dit une sorte “d’engin spatial” posé verticalement dans la grotte … Ils ressentent aussitôt quelque chose de pourri dans l’air ambiant (de la radioactivité à l’état pur) et comprennent que c’est ici que les mineurs malades ont dû venir. Des milliers de “criquets”, tous plus abjects les uns que les autres, virevoltent frénétiquement autour de la structure métallique, une armada grouillante et répugnante. Ils repèrent Wallace gisant sur le sol un peu plus loin, mais bien trop près du réacteur pour qu’ils puissent espérer le sauver. Sommers abrège ses souffrances enl’abattant sans hésiter d’une balle en pleine tête puis, pendant que les deux autres continuent de chantonner, il dépose à intervalles réguliers par paquet de quatre les bâtons de dynamite contre la paroi. A son signal, Arthus et O’Donnell se replient dans le tunnel en courant tandis qu’il recule lentement en psalmodiant, l’essaim menaçant à quelques mètres sur ses talons. Arrivé à l’entrée, il dégoupille une grenade, la balance dans l’étroit passage, et en dégoupille une seconde qu’il jette dans la foulée. Une énorme explosion trouble la nuit macabre et fait trembler la montagne, obstruant le conduit … Pour l’éternité ? Un seul “criquet” parvient à s’extraire des éboulis et à sortir des décombres, mais Arthus l’explose d’une balle de 38. Il ne trouve malheureusement aucun objet technologique miniature à récupérer. Dire que le dernier massacre des Lakotas devait être dû à la folie d’un homme contrôlé par l’une de ces bestioles …

Ils montent à bord du camion et atteignent le campement à l’aube. En apprenant la disparition de Wallace, les derniers mineurs quittent le site, convaincus de ne jamais toucher leur salaire. Le Dr Erasmus Simmons préfère de son côté attendre le retour du Sheriff Updike pour évacuer les malades. Avant de partir, Sommers décroche le tableau sur lequel est dessiné le diagramme cabalistique, maigre récompense au vu des US$ 150.00 chacun qu’ils ne toucheront jamais ; c’est ainsi qu’ils quittent la mine de Windy Point, avec la ferme intention d’avoir une discussion sérieuse avec Whitesnake dès leur retour à Boston.

 

Pendant le voyage, après avoir changé de train à la gare de Chicago, ils sont subitement pris de violentes nausées et de poussées de fièvre, et ils ne se sentent vraiment pas bien. Mais alors que l’idée d’utiliser son sortilège effleure Arthus un bref instant alors qu’il se rend aux W.C. pour la n-ième pour vomir, les symptômes finissent par disparaître. Les trois voyageurs se sentent déjà beaucoup mieux à leur arrivée à Boston, mais ils vont devoir se renseigner rapidement sur cette étrange maladie.