Mission 4: Rendez-vous à New York

Jackson Elias
Jackson Elias

Le matin du 20 décembre 1924:

 

 Alors qu’il rejoint finalement l’appartement mis à sa disposition par Whitesnake, il reçoit un télégramme de Jackson Elias, un journaliste qu’il avait rencontré l’année passée à Paris à l’occasion d’un de ces dîners mondains qu’il affectionnait, et où il avait d’ailleurs fait aussi la connaissance de son actuel employeur.

 

Possède informations concernant expédition Carlyle STOP Cherche groupe de personnes capable d'enquêter STOP Arrive New York quinze janvier STOP signé Jackson Elias

 

Âgé alors de 36 ans (il en a donc 37 aujourd’hui), cet homme aux cheveux bruns, de taille et de corpulence moyennes, affichait généralement une humeur joyeuse et amicale. Orphelin, né à Stratford dans le Connecticut, il avait appris très tôt à se débrouiller seul, n’ayant ni famille ni adresse permanente. Sommers l’avait apprécié d’instinct … Le bonhomme cherchait alors des financements pour un voyage autour du monde afin de faire des recherches, et tous deux s’étaient rapidement bien entendus. Ils partageaient ce même goût commun pour le véritable whiskey écossais, et non ces pâles copies qu’on trouvait de ce côté-ci de l’Atlantique, pour les fouilles archéologiques et les objets antiques. Ils avaient sympathisé et s’étaient même retrouvé pour dîner à plusieurs reprises à cette période.

Lorsqu’au printemps 1924, Sommers avait accepté la proposition de Whitesnake et rejoint le Nouveau Continent avec Arthus de Kerouac, il avait informé Elias de son retour en Amérique et de son adresse à Boston. Les deux villes de New-York et Boston n’étaient pas si éloignées l’une de l’autre, 5-6 heures en train, et le journaliste l’avait appelé à 2 ou 3 reprises lors de ses passages à NYC pour qu’ils discutent autour d’un verre, avant que Whitesnake ne les envoie Arthus, O’Rearly et lui en mission à Highcliff …

Jackson Elias parlait couramment plusieurs langues et voyageait sans cesse. Il était sociable, ne refusait jamais un petit verre de temps à autre et fumait la pipe. C’était aussi un coriace, solide et ponctuel, qui n’avait pas peur de la bagarre ou des autorités. C’était d’abord un autodidacte et ses travaux de recherche très fouillés semblaient s’appuyer sur une expérience de première main. Très secret, il ne parlait jamais de ses projets avant d’en avoir terminé la rédaction. Il lui arrivait parfois de regretter d’avoir dû choisir entre ses enquêtes et sa relation avec Mary Sanger, à qui il n’avait peut être pas su donner sa chance… Ses ouvrages décrivaient et analysaient les cultes de la mort.

Son livre le plus célèbre s’intitulait « Les Fils de la Mort » et traitait des communautés thugs dans l’Inde moderne. Tous ses livres expliquaient comment les cultes exploitaient les peurs de leurs adeptes. Elias était un sceptique qui n’avait jamais découvert de preuves démontrant l’existence des pouvoirs surnaturels, de la magie ou des dieux ténébreux. Pour lui, les adeptes des cultes de la mort se caractérisaient d’abord par leur folie et leur complexe d’infériorité. Ils massacraient des innocents pour se sentir puissants ou élus, et les cultes attiraient essentiellement les faibles d’esprit, même si leurs chefs étaient généralement très intelligents et manipulateurs. Lorsqu’un culte cessait de terrifier, il disparaissait inéluctablement.

 

Bibliographie:

- « Des Crânes sur le Fleuve » (Prospero Press, 1910). Traitait du culte des chasseurs de têtes du bassin de l’Amazone.

- « Les Maîtres des Arts Noirs » (Prospero Press, 1912). Un survol des cultes sorciers à travers l’histoire.

- « Le Chemin de la Terreur » (Prospero Press, 1913). Analysait le système de la peur employé par les cultes. Une introduction enthousiaste de Georges Sorel.

- « Un Coeur Encore Fumant » (Prospero Press, 1915). La première partie traitait des cultes de la mort historiques de la civilisation maya, la seconde décrivait certains cultes de la mort existant encore au sein de l’Amérique Centrale actuelle.

- « Les Fils de la Mort » (Prospero Press, 1918). La communauté thug moderne. Elias l’avait infiltrée pour écrire ce livre.

- « Les Cultes de Sorcières en Angleterre » (Prospero Press, 1920). Les cercles de sorcières de neuf comtés anglais et des interviews de sorcières anglaises modernes. Rebecca West avait jugé qu’une partie de la documentation était insignifiante et abusivement exploitée.

- « Le Pouvoir Noir » (Prospero Press, 1921). Suite du « Chemin de la Terreur », on y trouvait les interviews anonymes de plusieurs chefs de cultes.

 

En prenant connaissance du télégramme d’Elias, Sommers lui confirme immédiatement par retour le rdv du 15 janvier avec quelques personnes compétentes, puis il effectue des recherches dans les journaux sur cette mystérieuse Expédition Carlyle.

Peter F. Whitesnake
Peter F. Whitesnake

Whitesnake les invitant à dîner pour le 25, il avait quelques jours devant lui.

De son côté la nouvelle recrue de Whitesnake ne s'éternisa pas en remerciements et poussé par sa curiosité et sa méfiance se mit en devoir d'en apprendre plus sur son bienfaiteur et, après s’être renseigné sur le Texan auprès du Dr Singer, il décide d’engager un détective pour fouiller un peu dans la vie de Whitesnake.

Il découvre aisément que l’homme est originaire de Fort Worth, non loin de Dallas. Mais compte tenu du coût des frais de déplacement du détective bostonien jusqu’au Texas, il préfère décrocher le téléphone et demande à l’opératrice de lui en trouver un sur Dallas

« Vous fallait un rapport détaillé sur les activités de vot’ gars jusqu’à son départ de la région ? Devrait pas me prendre trop de temps ! Ce s’ra 10 $ par jour plus les frais éventuels. Envoyez 2 jours d’avance par Western Union et j’m’y colle illico ! »

 

Alastar paie sans hésiter:

 

Peter F. Whitesnake est né Peter F. Barnes à Fort Worth au Texas. Son père (Robert Barnes) était dans le pétrôle et son entreprise fonctionnant lui avait apporté une certaine richesse. Sa mère avait des origines indiennes (amérindienne). A la mort de son père voici 5 ans, Whitesnake a pris le nom de sa mère, a vendu toutes les concessions de son père à la famille Ewing (famille montante au Texas). Il a installé sa mère dans une belle propriété de San Francisco et est parti pour l’Europe et l’Afrique du Nord après avoir investi la majeure partie de sa richesse dans diverses entreprises, notamment la construction et l’immobilier. Son activité principale depuis son retour d'Europe est le marché de l’art et de l’antiquité.

Rudolph Steiner
Rudolph Steiner

On sait également qu’il a été proche de certains cercles secrets en Europe, probablement franc-maçon ou quelque autre société secrète assimilée. Il a passé du temps en Europe auprès de Rudolph Steiner, fondateur du mouvement philosophique "l'Anthroposophie" et a, avant de revenir aux States, lancé des demandes de fonds en vue de financer la construction en Suisse d’un bâtiment "le Goetheanum 2" dessiné par Steiner, un véritable centre de recherches et d’éducation artistique alliant modernisme, classicisme et liberté philosophique qui devra prendre place sur les lieux du premier bâtiment détruit la nuit du 31 décembre 1922.

De retour à Boston, Whitesnake gère ses affaires sans trop faire parler de lui et participe à la construction suisse qui va débuter début 1925.

Photo du premier Goeutheanum  avant sa destruction durant la nuit de la saint sylvestre 1922
Photo du premier Goeutheanum avant sa destruction durant la nuit de la saint sylvestre 1922
Fresque intérieure de la grande coupole.
Fresque intérieure de la grande coupole.

De son côté, après être revenu des Black Hills et s’être accordé quelques jours de repos, Marvin O’Donnell se rend lui aussi à l’Université Miskatonic d’Arkham. Il quitte Boston quelques jours après Sommers et ne tarde d’ailleurs pas à l’y croiser, affublé de son déguisement. Celui-ci lui réserve une chambre à l’Hôtel Lewinston House et, comme lui, Marvin occupe ses journées entre lecture et ‘’entraînement‘’ : Le soir venu, pour ne pas perdre la main, le privé fait le tour des bars d’Arkham, partageant son temps entre picole et castagne ! Plongés dans leurs lectures et activités respectives, les deux hommes s’ignorent ostensiblement.

Après avoir consulté la liste des ouvrages de la Bibliothèque Orne, Marvin choisit, lui, de compulser un gros ouvrage écrit en vieil anglais de la Section mythologie/folklore : « Les légendes de la nouvelle Angleterre ». Il lui faut trois semaines pour en venir à bout. Ecrit en 1839 par un certain Eli Davenport, le livre rassemblait tout un tas de légendes amérindiennes de la Nouvelle Angleterre. L’auteur y parlait notamment d’une ancienne cité étrange, détruite depuis des lustres, qui se trouverait dans le nord du Massachusetts. Beaucoup de contes parlaient d’esprits mystérieux venus de la Constellation de la Grande Ourse, qui vivraient sous les collines du Vermont et du Maine et dont la présence sur Terre précéderait l’humanité …

La lecture laisse le détective perturbé. Tout se recoupait et leurs craintes se confirmaient … En revanche, il n’était fait aucune mention de “criquets”. Lui aussi regagne Boston quelques jours avant le dîner auquel les a conviés Whitesnake.

Resté en ville, Arthus décide quant à lui de faire du ‘’social ‘’. Depuis qu’il avait arrêté de lire « Les Secrets du Crépuscule » d’Abelhde St Luc, l’homme en noir avait disparu et il n’avait plus d’hallucination ni de cauchemars… Le Frenchy s’inscrit dans un club d’escrime qu’il fréquente régulièrement et, ayant un peu le mal du pays, il se met aussi à la recherche de cercles francophones. Il s’entraîne au tir dans les bois de la campagne environnante et batifole pendant la nuit avec les prostituées ducoin. Mais, toujours pragmatique, il se fait également confectionner un plastron de protection couvrant son buste et ses épaules et s’achète une canne-épée. 

Le singulier cadeau de Whitesnake
Le singulier cadeau de Whitesnake

Au cours du réveillon de Noël, durant lequel Whitesnake leur offre un curieux cadeau, ils font la connaissance d’Alastar Ó Ghallachoir, un prêtre irlandais récemment recruté par leur employeur : « La finessed’un homme de lettres est bienvenue! ». Sous l’insistance de ses invités, Whitesnake finit par leur avouer que lui et quelques autres personnes souhaitant rester dans l’anonymat cherchaient en fait à engager une équipe pour enquêter sur les entités décrites dans le livre de Matilda Prescott et pour comprendre à quoi ils ont affaire. L’homme a l’air sincère, pense Marvin qui est entièrement d’accord avec lui : « Il faut leur péter la tronche ! »

Sommers leur raconte alors leurs aventures dans les Black Hills et, profitant que leur hôte est en pleine discussion avec ses compagnons, il résume rapidement à Alastar les évènements étranges auxquels ils ont été confrontés à Highcliff et Corbis Wood : Magicienne immortelle, crevettes géantes, truands, fantôme, esprit maléfique, insectes mutants, etc … « Mieux vaut passer pour des cons ou des fous … ». La description des créatures de 2,5 mètres de haut à l’air vaguement batracien interpelle le prêtre.

En fin de repas, Sommers met ses compagnons au courant de l’Expédition Carlyle et du message de son ami Jackson Elias. Whitesnake connaît le journaliste de nom, ayant tous ses livres dans sa bibliothèque. Après avoir longuement hésité entre creuser les collines du Vermont à la recherche d’extra-terrestres ensevelis, se rendre au manoir d’Edward Pickman Derby ou voir ce que le journaliste voulait à Sommers, ils décident finalement d’accompagner ce dernier à New York le 15 janvier pour son rendez-vous.

Avant de partir, Whitesnake les convie pour le soir du Nouvel An. Ayant été mis au courant par Sommers que celui-ci avait fait chou-blanc pour leur dégotter un lance-flamme ou des grenades, Arthus lui conseille de chercher plutôt de la dynamite …

Steeve prend donc contact avec le Gustin Gang auprès duquel il avait déjà acheté leurs trois “Tommy Gun”. Dirigé par Frank Wallace, qui était secondé par ses frères Steve (ancien boxeur) et Jim (leur plus jeune frère) et par son lieutenant Bernard ‘Doddy’ Walsh, il s’agissait de l’un des principaux gangs américano-irlandais de Boston, apparu une dizaine d’années d’années plus tôt et couvrant une grande partie des activités criminelles de South Boston (“Southie”), Charlestown, Somerville, Dorchester et Roxbury. Il leur achète une quinzaine de bâtons de dynamite et en donne quelques uns à Arthus.

Lors du réveillon de la Saint-Sylvestre organisé par Whitesnake, ils rencontrent un magicien allemand doué de talent d’hypnotiseur. L’homme, qui se plaignait qu’Houdini lui faisait de l’ombre, anime la soirée en hypnotisant l’une des prostituées que Marvin avait amenées avec lui. Ils font aussi la connaissance d’un soldat français, un ancien hussard du 11ème régiment, et de sa femme, danseuse à Broadway. Whitesnake avait aussi invité un vieil archéologue de 70 ans, le Dr Jacob Singer, qui avait rencontré Alastar quelques mois plus tôt à New York. Le magicien fait le show, la danseuse lui sert d’assistante, et ils discutent avec les uns et avec les autres. Finalement, laissant Alastar se morfondre dans ses prières, les trois autres finissent la soirée dans un club connu d’Arthus pour sa chair « plutôt fraiche mais peu vérolée »…

En attendant leur départ pour New York, Arthus, Sommers et O’Donnell s’occupent comme ils peuvent : Tournées des bars, bonnes bagarres bien viriles, virées nocturnes chez la gente féminine … De son côté, Alastar fait appel à un détective pour enquêter à Arkham sur cet Edward Pickman Derby, ainsi que sur sa femme et leur domestique aux yeux globuleux et dotée de branchies qu’avait décrite Sommers … Demandant à ce que lui soient télégraphiées les résultats de l’investigation, il rappelle aussi le privé texan, au cas où celui-ci ait appris quelque chose de nouveau sur Whitesnake. Mais il ne reçoit aucune nouvelle d’un côté comme de l’autre jusqu’au 14 janvier. En vue de leur périple à New York, il décide alors de s’acheter des fringues et une petite valise, et il réussit à se dégotter des outils de crochetage et une petite croix dont le manche contenait une dague.

Le matin du 14 janvier 1925, Sommers reçoit un coup de fil inattendu et inquiétant d’Elias :

 

« Oui, Sommers, heu, écoute, je suis déjà arrivé à New York. Heu, retrouvons-nous demain, heu, demain comme prévu, le 15. Retrouve-moi à l’Hôtel Chelsea, je serai chambre 410. Heu, sois-là à 20 heures précises, sois-là à 20 heures précises. Je ne peux pas parler là, je ne peux pas … »

La voix de son ami était méconnaissable et témoignait d’un stress inhabituel. Après avoir mis les autres au courant, ils décident sans tarder de prendre le prochain train pour New York.

 

En 1925, grâce à la constitution, tout Américain a droit à se munir d’une arme, dont l’enregistrement est très simple et peu coûteux. Le port d’arme nécessite également une déclaration à la police, mais n’est en général qu’une simple formalité pour qui dispose d’un casier judiciaire vierge. L’État de New York est cependant l’un des plus regardants. La plupart du temps, l’usage d’une arme à feu dans un lieu public ne donnera lieu qu’à la confiscation de l’arme et le paiement d’une amende, à de très rares cas une durée d’emprisonnement - tant qu’il n’y a pas mort d’homme. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la législation est donc particulièrement souple, mais personne ne se balade de manière visible avec un fusil au bras car ceci serait moralement incorrect.

 

Marvin prend donc son fusil à pompe et son Colt, Arthus son 38 et sa canne épée, Alastar ses récentes emplettes et sa bible ; quant à Sommers, il entasse ses armes dans sa malle, préférant laisser à Boston les bâtons de dynamite trop instables. Mais une tempête de neige sévissait à New York et leur train prend du retard. Ce n’est que le lendemain vers midi, quelques heures avant leur rendez-vous, qu’ils arrivent finalement à destination. Pour passer le temps, ils décident de faire une partie de poker que remporte Sommers (US$ 60.00), et parcourant les journaux, ils tombent aussi sur un article étonnant:

Dec. 30, 1924: Hubble Reveals We Are Not Alone. Depuis l’observatoire de Mont Wilson en Californie où est installé le plus grand télescope du monde, l’astronome américain Edwin Hubble annonce la découverte d’un autre système galactique en dehors de notre voie lactée. En mesurant la distance de cette galaxie par rapport à la grande nébuleuse d’Andromède, il affirme que ce système stellaire immense est aussi grand que la voie lactée mais bien plus éloignée. Le cosmos est donc plus vaste que ne l’imaginaient les scientifiques.

A New York, un épais tapis de neige recouvre la ville et une vraie pagaille règne dans les rues enneigées. Alastar hèle un taxi, et accompagné d’Arthus et d’O’Donnell, ils se rendent directement à l’Hôtel Chelsea. Situé dans le quartier plutôt mal famé d’Hell’s Kitchen, c’était un immense bâtiment miteux et délabré, d’un gris sale. Sommers les y rejoint 40mn plus tard, ayant donné US$ 10.00 à un gamin pour porter sa malle à la gare et ayant dû trouver un second taxi pour pouvoir l’y charger.

Bien que le prêtre tente de les convaincre de séjourner dans un endroit plus sympathique, ils décident en définitive de rester sur place : Alastar et Sommers prennent deux chambres individuelles au rez-de-chaussée, les n°8 et n°11, tandis que Marvin et le Frenchy prennent la n°12. Puis, tandis que ces derniers font la sieste, Alaster et Sommers vont se restaurer et prendre un café serré dans un restaurant voisin, avant de rejoindre leur chambre pour se reposer eux aussi jusqu’au soir. Vers 19h45, tous les quatre se retrouvent dans le hall. Dehors, la nuit était tombée et la tempête faisait rage.

l'Hotel Chelsea sous la neige
l'Hotel Chelsea sous la neige

Ils gagnent le 4ème étage et, à 20h00 pile, frappent à la porte de la chambre n°410. N’obtenant aucune réponse, Alastar jette un coup d’oeil par le trou de la serrure et aperçoit pourtant une ombre furtive à l’intérieur. Sans hésiter, Sommers défonce la porte d’un grand coup de pied, la main sur son Colt 45. Tout en gueulant dans une langue incompréhensible, un Africain torse nu, vêtu d’un pantalon crasseux et d’un masque de plumes, se rue alors sur lui en brandissant une énorme lame incurvée. Un pranga.

 

Mais l’homme rate son coup, et Sommers l’abat d’une balle en pleine tête. Repérant d’autres mouvements, Arthus fonce à l’intérieur arme au poing, Marvin et Sommers sur les talons, tandis qu’Alastar s’éclipse dicrètement pour se réfugier dans un appartement voisin inoccupé. Un froid saisissant règne dans la chambre plongée dans l’obscurité. Une arme plantée dans le sternum, une forme inanimée gisait sur le lit alors qu’une autre silhouette, masquée et armée d’un pranga, se tenait devant la fenêtre grande ouverte. Un troisième tueur était déjà en train de l’enjamber, emportant une sacoche

Voyant débouler Marvin et Arthus, le Nègre se jette sur eux en levant son arme, le regard halluciné. Plusieurs coups de feu retentissent, et l’homme s’écroule raide mort. Ils découvrent alors un spectacle atroce : Etendu sur le lit, Jackson Elias avait été éventré, ses intestins étaient répandus autour de lui et il avait un pranga planté droit dans le coeur ! Sans s’appesantir sur la mort de son ami, Sommers se précipite à la poursuite du fuyard, descendant quatre à quatre les escaliers de secours extérieurs de la façade arrière. Mais celui-ci est abattu par le Frenchy qui l’ajustait depuis l’encadrement de la fenêtre et il s’écrase trois étages plus bas, valdinguant par-dessus la rambarde et lâchant la sacoche. Le calme revient et aucune sirène de police ne se fait encore entendre, même si cela ne saurait tarder. Sommers récupère le cartable et descend inspecter le corps dans la ruelle. Il cache le masque du mort sous un tas de détritus enneigés, puis rejoint le hall de l’hôtel par l’entrée principale. De leur côté, avant l’arrivée des forces de l’ordre, Marvin et Arthus fouillent rapidement la salle-de-bain et la chambre, où tout avait déjà été retourné.

Une marque sur le front de J. Elias
Une marque sur le front de J. Elias

Pendant ce temps, Alastar regagne prestement sa chambre sans demander son reste, après un rapide détour par le hall : « Y a du grabuge au 6ème ! » D’ailleurs, des clients commencent à sortir de leurs chambres, alertés par les coups de feu : « Il faut appeler la police ! »

 

Inspectant le corps du journaliste, Arthus remarque qu’il porte une cicatrice rituelle sur le front et il en relève l’empreinte ensanglantée à l’aide d’un morceau de tissu. De son côté, Marvin met la main sur le passeport d’Elias, portant les tampons de ses différents voyages, et il découvre, coincée dans la table de nuit, une affiche pour une soirée-conférence organisée à New York sur « Le culte des Ténèbres ». Au bout d’une vingtaine de minutes, une demi-douzaine d’agents de police investit finalement l’hôtel, sous le commandement d’un flic en civil, le Lt. Martin Poole. Alastar remonte au 4ème étage et lui propose ses services et, en tant qu’homme d’église, de donner les derniers sacrements au mort. Il en profite pour recopier dans son calepin le symbole défigurant Jackson Elias.

Il rejoint ensuite les autres, enfermés dans leurs chambres, et ils décident de quitter l’hôtel séparément pour s’installer discrètement au Gotham Hôtel, plus décent et situé seulement à quelques blocs de là. Ne pouvant quitter discrètement l’hôtel avec sa malle, Sommers préfère rester sur place pour récupérer pendant la nuit le masque de plumes caché dans la ruelle et étudier scrupuleusement le contenu de la sacoche : une boite d’allumettes, deux cartes de visite, deux lettres et la photo d’un navire ancré dans une baie avec une ville (et des jonques ?) à l’arrière-plan.

La 1ère lettre, datée du 7 novembre 1924, était signée d’une femme, Miriam Atwright, et avait été envoyée à Jackson Elias chez son éditeur Prospero Press. Le journaliste avait apparemment contacté cette femme pour un livre qu’il recherchait mais qui n’était plus en leur possession. Elle devait donc travailler pour un institut, une université, une bibliothèque ou encore un musée …

La 2nde lettre, datée du 3 janvier 1919, était adressée à Roger Carlyle ! Elle était signée d’un certain Faraz Najir, installé Rue des Chacals dans le Vieux Caire, en Egypte, qui disait posséderdes pièces très anciennes et des renseignements pouvant intéresser le play-boy aventurier.

De leur côté, après avoir pris des chambres séparées au Gotham Hôtel, Alastar, Arthus et O’Donnell feuillettent le passeport de Jackson Elias. Grâce aux tampons et visas d’immigration, ils peuvent ainsi retracer ses récents voyages de 1924.

Après avoir obtenu un visa pour les territoires britanniques le 2 avril, le journaliste avait d’abord dû aller en Egypte [visa égyptien du 15 avril], puis au Kenya (Mombasa : 23 juillet - 13 août]. Il s’était ensuite rendu quelques jours à Hong Kong [17 septembre - 23 septembre] ; de là, il avait gagné Shanghai le 23 septembre. Il était arrivé au Canal de Suez - Port Saïd le 6 novembre, en provenance de Shanghai, et en était reparti le 14 novembre à destination de Londres. Il était ensuite resté au Royaume Uni [Southampton : 24 novembre - 17 décembre], avant de revenir à New York pour y trouver la mort.

Le flyer récupéré par O’Donnell dans la table de nuit d’Elias concernait une conférence donnée au Hall Schuyler de New-York par un professeur australien, le Pr. Anthony Cowles, Ph.D., sur le thème : « Le culte des Ténèbres en Polynésie &dans le sud-ouest du Pacifique ». L’homme était également titulaire de la Chaire Lockley l’Esotérisme Polynésien, àl’Université Miskatonic d’Arkham. Si l’heure (20h00) et la durée (2 heures) de la conférence étaient précisées, en revanche, il n’y avait aucune date.

Le lendemain matin, à peine levé, Alastar passe un coup de fil à l’Université Miskatonic pour essayer de joindre le Pr. Anthony Cowles. Ce dernier s’étaiteffectivement rendu à New York en décembre pour une série de conférences,apprend-il, et il était ensuite revenu à Arkham à la fin de l’année. Mais il n’était actuellement pas là, ni à son domicile d’ailleurs constate le curé, après quel’université lui ait donné son numéro de téléphone personnel.

Sommers les rejoint à l’aube en traînant sa malle, et après un bref conciliabule, O’Donnell décide de se rendre au Commissariat Central à la recherche d’indicespendant que les autres iront surveiller les alentours de chez Emerson Imports. En tant qu’ancien flic de Chicago devenu détective, O’Donnell n’a aucun mal à rentrer au Commissariat Central. Là, il fait croire au Lt. Martin Poole qu’il avait été employé par Jackson Elias pour le protéger et qu’il avait échoué dans sa mission. Il apprendque les flics n’ont aucune piste et que l’enquête piétine.

 

Elias était la 9ème victime du, ou des, tueur(s) en série « Scariface » qui terrorisai(en)t New York depuis 2 ans. Les victimes n’avaient aucun lien apparent et le seul point commun à tous ces meurtres était la marque tailladée sur leurs fronts. Un culte africain satanique ? Le Lt. Poole remet à Marvin quelques vieux articles depresse, et celui-ci prend congé après qu’ils aient échangé leurs cartes.

Emerson Import
Emerson Import

Pendant ce temps, après avoir loué une voiture, Arthus conduit Ó Ghallachoir et Sommers chez Emerson Imports sur les docks ; l’arrière du bâtiment donnait directement sur les quais où accostaient les navires. Le Frenchy fait prudemment le tour du quartier puis se gare à distance et, pendant qu’il reste à faire le guet avec Sommers dans lé véhicule, Alastar pénètre dans les bureaux d’Emerson Imports. Il y fait la rencontre du patron, Arthur Emerson, qui lui apprend que sa société importait des objets artistiques du Kenya pour le compte de la boutique Ju-Ju, 1 Ramson Court à Harlem. Le dénommé Silas N’Kwane en était d’ailleurs lepropriétaire … Emerson l’informe aussi que Jackson Elias était venu le voir il y a 2jours (le 14 donc), pour se renseigner sur leurs principaux clients new-yorkais.

New York Central Library
New York Central Library

Après avoir quitté le commissariat central, O’Donnell rejoint ses compagnons. Ils déposent Alastar à la New York Central Library puis, après un arrêt à l’Hôtel Chelsea pour échafauder un plan, les autres décident d’aller à Harlem voir cette boutique. Alastar passe l’après-midi à la bibliothèque. Il compulse de nombreux livres sur les religions et les cultes africains, y recherchantd’éventuelles allusions au symbole gravé sur le front des victimes. Mais ses lectures se révèlent infructueuses. Il essaie aussi derappeler le domicile du Pr. Anthony Cowles mais, une fois encore, personne ne répond …

De leur côté, Marvin, Arthus et Sommers se rendent en voiture à Harlem pour jeter un œil à la boutique de Silas N’Kwane et vérifier si, comme ils le suspectent, ce dernier n’est pas lié à l’assassinat de Jackson Elias. Toujours au volant, le Frenchy largue Sommers à quelques blocs de là et, tel un touriste en train de flâner, ce dernier s’éloigne parmi les passants pour repérer les rues et bâtiments avoisinants. Arthus dépose ensuite O’Donnell à l’entrée de l’impasse crasseuse menant à la petite arrière-cour correspondant à l’adresse donnée par Arthur Emerson. Trois Nègres avachis contre le mur le regardent passer alors qu’il s’enfonce dans la ruelle …

Au fond, coincée entre quelques entrées d’immeubles encrassées et un ancien magasin aux fenêtres condamnées, Marvin découvre la boutique JU-JU.

Des rideaux sales sont tirés devant la vitrine et il décide de rentrer à l’intérieur. Un capharnaüm indescriptible d’objets africains divers et variés s’y trouvent, et un Nègre en costard élimé se tient derrière le comptoir, surpris de voir un Blanc rentrer dans sa boutique. En s’approchant, Marvin remarque autour de son cou une chaîne avec une petite clef.

Silas N'Kwane
Silas N'Kwane

L’homme se présente comme Silas N’Kwane, gérant du magasin. O’Donnell, se faisant passer pour un dénommé Bill Smith, lui dit être envoyé ici par des amis de Jackson Elias pour obtenir des renseignements, car ‘’il est au courant de tout‘’. « Elias, vous connaissez ? Parce que lui vous connaissait …Et aujourd’hui, il est mort. Alors retrouvez-moi à l’Hôtel Emerson avant 48 heures ou je vais voir les flics ! »

 

Bien que Marvin se fasse menaçant, le nègre reste calme et feint de ne pas connaître le nom du journaliste. Mais le privé n’est pas dupe, il sent que son interlocuteur lui cache quelque chose. Espérant que l’homme morde à l’hameçon et tombe dans le piège que ses compagnons et lui ont fomenté, il rejoint la rue passante et retrouve Arthus. Ravis de quitter cette souricière, tous deux quittent Harlem en voiture, tandis que

 

Sommers reste à traîner dans le quartier pour observer les va-et-vient ; il repère une ruelle peu fréquentée, parallèle à l’impassemenant chez Ju-Ju et donnant sur le derrière du magasin fermé qui lui fait face.

 

Arthus et Marvin se rendent alors à l’Hôtel Emerson. Ayant repéré cet hôtel, au nom évocateur et pas très éloigné de l’Hôtel Chelsea, avant leur virée à Harlem, O’Donnell y réserve deux chambres contiguës, dont l’une au nom de Bill Smith. Il est temps de mettre leur plan à exécution : Si Silas N’Kwane joue effectivement un rôle dans le meurtre d’Elias, la visite et les propos du privé devraient le faire réagir et une bande de Nègres risque de vouloir tôt ou tard s’occuper de cet encombrant Bill Smith. A la nuit tombée, ils n’auront qu’à les attendre dans la chambre voisine et Sommers en profitera pour s’introduire dans la boutique Ju-Ju désertée …

Jonah Kensington
Jonah Kensington

Ils retrouvent ensuite Alastar à la NY Central Library. Pendant que Marvin aide le prêtre dans ses recherches bibliographiques, sans succès lui aussi, le Frenchy se renseigne sur la famille Carlyle. Il apprend ainsi que, suite à la disparition de son frère, noceur notoire, Erica Carlyle a brillamment relancé l’affaire familiale en train de péricliter et qu’elle habite dans le district de Westchester. Mais les deux compères en ont vite marre et, laissant Ó Ghallachoir poursuivre seul ses fastidieuses lectures, ils se rendent chez Prospero Press, situé sur Lexington Avenue.

Là, ils se font passer pour deux détectives privés engagé par un ami de Jackson Elias, un dénommé ‘’Sommers‘’, afin d’enquêter sur sa mort en collaboration avec la police new-yorkaise. Le nom de ‘’Sommers‘’ lui étant familier, la secrétaire les introduit auprès de son patron : Jonah Kensington. Celui-ci leur apprend qu’Elias est venu le voir avant-hier, à peine revenu de voyage (jour où il a aussi appelé Sommers et rendu visite à Emerson Imports), et qu’il s’est montré très agité.

Kensington est persuadé que son assassinat est lié aux recherches qu’ils faisaient pour son prochain livre, car l’écrivain prenait beaucoup trop de risques selon lui.

 

Il leur montre alors une lettre que lui avait envoyée l’écrivain en août 1924 depuis l’Afrique. Elias s’y montrait tout feu tout flamme, expliquant à son éditeur qu’un scoop était en vue. Les membres de l’Expédition Carlyle ne seraient pas morts, les autochtones étaient d’un tout autre avis que les autorités, et ce qu’il avait découvert pouvait leur apporter fortune et renommée. Après quelques hésitations, craignant que ses interlocuteurs ne divulguent ces informations à la presse, Jonah Kensington finit par leur donner plusieurs liasses de feuilles, maintenues par des trombones, ainsi quequelques notes gribouillées dans un calepin qu’Elias lui avait laissé l’avant-veille.

Les notes écrites par Jackson Elias au Kenya. Celui-ci y avait rencontré plusieurs personnes : un certain Johnstone Kenyatta, le Lt. Mark Selkirk et Nelson, un mercenaire rencontré au Victoria Bar à Nairobi. Les membres de l’Expédition Carlyle auraient décidé de se rendre au Kenya suite à leurs découvertes en Egypte ; ils auraient disparu au pied de la Montagne du Vent Noir, un lieu maudit par le Dieu du Vent Noir, un dieu inconnu des ethnologues et originaire d’Afrique.

Et ce serait le Culte de la Langue Sanglante, installé dans ces montagnes, qui serait responsable du massacre de l’expédition. Craint et häi par toutes les tribus indigènes locales, qui évitaient ce lieu dépourvu de vie, ce culte pratiquait des sacrifices humains d’enfants, capturés par de grandes créatures ailées descendant des sommets. En revanche, seules les restes curieusement bien conservés des porteurs noirs, qui avaient été mis en pièce avec acharnement,avaient été découverts sur place. Et l’un des membres de l’expédition, Jack Brady, aurait été vu à Hong-Kong en mars 1923, bien vivant. Les notes rédigées par Jackson Elias au Kenya 5 mois plus tôt sont relativement claires, écrite d’une main ferme et appliquée.

En revanche, celles qu’il a gribouillées malhabilement dans le petit carnet leur font froid dans le dos Jackson Elias faisait apparemment d’horribles rêves ; et il semblerait que Carlyle, qui en avait eu aussi avant lui, ait consulté un psychanalyste. Le play-boy avait-il fait ces cauchemars pendant leur voyage (pourquoi pas en Egypte, où il avait fait une‘’insolation‘’ ?), ou était-ce ce qui l’avait poussé à monter cette expédition ? Et ce psychanalyste détiendrait des dossiers sur les rêves de Carlyle.

L’écrivain semblait aussi persuadé qu’un grave danger menaçait le monde. Certain ‘’qu’ILS ‘’ allaient ouvrir un PORTAIL, il parlait d’une chose revêtant plusieurs noms et plusieurs formes, indiquant qu’il y aurait des livres‘’intéressants‘’ dans le coffre de Carlyle. En tout cas, l’homme avair l’air terrifié et comptait rendre publiques ses découvertes !

 

 

Que peut vouloir faire Sommers avec du cirage ?
Que peut vouloir faire Sommers avec du cirage ?

Arthus est désormais persuadé qu’ils doivent rencontrer Erica Carlyle. Avant de partir, Jonah Kensington leur apprend que l’enterrement d’Elias a lieu le lendemain, et que la femme qu’ils recherchent, Miriam Atwright, travaille … à la NY Central Library ! Celle-ci n’allant pas tarder à fermer, ils demandent à la secrétaire d’appeler la bibliothèque pour prévenir Alastar. Le prêtre trouve rapidement la bibliothécaire, qui lui explique que l’ouvrage recherché par Elias parlait des sectes secrètes d’Afrique, mais qu’il leur a été malheureusement dérobé. A sa demande, elle lui promet de faire des recherches pour voir si certains livres conservés ici mentionnent le symbole gravé sur le front d’Elias, et elle lui donne rendez-vous le lendemain.

De retour à l’Hôtel Chelsea, le trio retrouve Sommers revenu entre-temps de Harlem par ses propres moyens, en ayant profité pour acheter du cirage sur le trajet.

Alastar décide alors de rappeler le domicile du Pr. Anthony Cowles et, cette fois-ci, quelqu’un décroche : sa fille. Elle l’informe que son père est absent ce soir mais que celui-ci doit se rendre à New York dans une semaine et loger au Savoy Plaza. Le nom de Jackson Elias ne lui dit rien et elle n’a jamais entendu parler d’un Culte de la Langue Sanglante. Par contre, elle lui apprend qu’un article sur le sujet de la conférence donnée par son père au Hall Schuyler en décembre dernier se trouve dans les locaux du NY Pilar Riposte : « Les anciens cultes secrets d’Australie ». Ce culte pourrait être lié à ceux de la chauve-souris, pratiqué par certaines peuplades africaines reculées, ou de Quetzalcóatl, le serpent à plumes des Aztèques ? Après tout, comme le font penser les recherches de son père, les racines des croyances semblent être les mêmes d’un continent à l’autre. D’après elles, les adeptes de ces cultes pratiquent souvent des sacrifices humains, car plus ces derniers sont grands, et plus leurs ‘’dieux‘’ sont sensés leur donner de grands pouvoirs.

En début de soirée, Marvin et Arthus déposent en voiture Sommers et Alastar dans Harlem. Le prêtre achète quelques fringues à un clochard et deux bouteilles de whisky dans un drugstore. Déguisé en mendiant, il décide d’aller voir s’il ne réussirait pas à piquer la clef de Silas N’Kwane en s’infiltrant chez Ju-Ju. Mais à l’entrée de la ruelle crasseuse, deux Nègres l’arrêtent d’un ton péremptoire « Du balai ! ». Sans demander son reste, il rebrousse chemin et, après avoir traîné un peu aux alentours au cas où il y ait du mouvement, il décide finalement de rejoindre leur hôtel, frigorifié.

Revêtu, lui, de ses plus chauds habits, et équipé de son Colt 45 et de son fusil, Sommers se recouvre les mains et le visage de cirage, avant de se glisser discrètement dans l’impasse voisine et de gagner les toits par les escaliers de service. Depuis cette position en hauteur, où il reste une bonne partie de la nuit malgré le froid (il a connu pire dans les tranchées pendant l’hiver 1917), il observe l’arrière-cour. La boutique est fermée et aucune lumière ne filtre de l’intérieur. Par contre, une demi-douzaine de Nègres, comme ceux ayant arrêté Alastar, y traînent leurs guêtres jusqu’à une heure avancée. Vers 2 heures du matin, la plupart quittent la cour pour rejoindre leurs piaules. Sommers rêvait de venger son ami Jackson Elias, mais l’endroit était une vraie souricière. Un peu avant l’aube, sans que rien ne se soit passé, il s’éclipse subrepticement et retourne lui aussi à l’hôtel.

 

De leur côté, après avoir simulé un corps en train de dormir dans la chambre de Bill Smith et s’être cachés dans la chambre voisine, Arthus et O’Donnell remarquent bien cinq Nègres passer et repasser devant l’Hôtel Emerson en le montrant du doigt, mais ils en restent là et finissent par repartir à pied dans différentes directions.

Depuis son nid d'aigle Sommers repense à toute cette affaire ...

Pendant sa surveillance nocturne de la boutique Ju-Ju, histoire de ne pas s’endormir, Sommers s’était remémoré ce qu’ils savaient officiellement de l’Expédition Carlyle et de ses membres ...

 

CHRONOLOGIE

 

  • 4 avril 1919 Annonce de l'Expédition Carlyle qui partira le lendemain de New York pour effectuer des fouilles en Egypte.
  • 5 avril 1919 Départ de l'Expédition Carlyle pour Southampton à bord du paquebot l’Imperial Standard pour effectuer des recherches à Londres sous les auspices de la Fondation Penhew pendant quelques semaines, avant de rejoindre l'Egypte.
  • Mai / Juin 1919 L’Expédition Carlyle effectue des fouilles archéologiques en Egypte dans la Vallée du Nil. La rumeur prétend qu’ils auraient trouvé la trace du légendaire trésor des Mines du Roi Salomon, mais cela est démenti par Sir Aubrey Penhew. Roger Carlyle y est victime d’une insolation.
  • 3 juillet 1919 L’Expédition Carlyle décide de prendre quelques jours de ‘’vacances‘’ en « Afrique Orientale ».
  • 24 juillet 1919 L’Expédition Carlyle arrive à Mombasa, Kenya. Un dîner d’accueil est organisé par M. Royston Whittingdon en leur honneur à Collingswood House.
  • 3 août 1919 L’Expédition Carlyle quitte Nairobi pour explorer la Vallée du Grand Rift, au nord-ouest de Nairobi. 15 octobre 1919 L’Expédition Carlyle est portée disparue. La police des hautes-terres demande l’aide de la population.
  • 11 mars 1920 De nombreux témoignages de la tribu Kikuyu parlent d’un éventuel massacre de Blancs près de la forêt d’Aberdare. Erica Carlyle, la sœur de Roger Carlyle et héritière de la fortune familiale, arrive à Mombasa à la tête d’un groupe d’envergure, à bord du vaisseau égyptien Fontaine de Vie, pour effectuer elle-même des recherches sur la disparition de son frère. Elle est accompagnée de son amie Miss Victoria Post.
  • 12 mars 1920 Le groupe d’Erica Carlyle part pour Nairobi.
  • 24 mai 1920 Le massacre de l’Expédition Carlyle est confirmé par la police territoriale et attribué à des hommes de la tribu Nandi. Selon Erica Carlyle, la découverte des restes d’une douzaine de corps de l’Expédition Carlyle au fond de tombes cachées dans la jungle est à attribuer aux hommes de la tribu Kikuyu. Fin mai / début juin 1920 Erica Carlyle doit renoncer à retrouver son frère et quitte l’Afrique.
  • 19 juin 1920 Cinq hommes de la tribu Nandi, tenus responsables d’être les chefs du massacre de l’Expédition Carlyle, sont exécutés à Nairobi par pendaison, après un rapide procès mené par M. Harvis, le représentant de la Colonie. Les cadavres de Roger Carlyle et des autres membres Blancs de l’expédition n’ont jamais été retrouvés.

 

LES MEMBRES DE L’EXPEDITION CARLYLE

 

Roger Carlyle Exubérant play-boy new-yorkais, multimillionnaire. Âgé de 24 ans en 1919, ayant donné une réception ‘’mémorable‘’ à l’Hôtel Waldorf-Astoria pour sa majorité. Connu pour ses frasques et ses scandales, c’était un coureur de jupons notoire qui fréquentait les boites de nuit. Chef de l’expédition. Qu’est-ce, ou qui, avait pu pousser un homme tel que lui à entreprendre cette expédition ?

  • Sir Aubrey Penhew Eminent égyptologue du Royaume-Uni. La Fondation Penhew à Londres porte son nom. Commandant en second de l’expédition, responsable des fouilles. A beaucoup d’esprit. Comment avait-il rencontré Roger Carlyle ? De quoi s’occupait donc sa Fondation ?
  • Dr Robert Huston Psychologue « freudien ». Chargé d’étudier les pictogrammes antiques. Se pourrait-il qu’il s’agisse du psy dont parlait Jackson Elias ? Pourquoi avait-il accompagné Carlyle ? A cause de ses rêves ?
  • Miss Hypathia Masters Souvent associée dans le passé à Roger Carlyle. Habituée des soirées new-yorkaises. Photographe et archiviste de l’expédition. Quels étaient exactement ses liens avec Roger Carlyle ?
  • Jack Brady Ami intime de Roger Carlyle. Responsable de l’intendance. Si c’était un ami intime de Carlyle et qu’il avait survécu, pourquoi ne s’était-il pas manifesté auprès de la sœur de son ami ? Et que faisait-il à Shanghai en mars 1923 ?