Gunfight at Ju-Ju's

Après avoir réussi à trouver un taxi malgré l’heure avancée pour rentrer au Gotham Hôtel et s’être reposé dans sa chambre quelques heures, Sommers se lève vers 09h00. Il passe deux appels téléphoniques. Le premier à Robert Carrington, le riche industriel new-yorkais qu’ils avaient aidé à Corbis Wood et qui les avait recommandés au directeur de la mine de Windy Point.

L’homme fréquentait le gratin de la haute société new-yorkaise et devait connaître la riche héritière des entreprises Carlyle. Lorsque Sommers lui demande de leur arranger une entrevue avec elle, Carrington accepte volontiers. Erica Carlyle participait souvent à des galas de charité et à des soirées de bienfaisance, et il promet à Sommers que sa secrétaire le rappellera dans la journée à son hôtel pour le tenir au courant. Puis Sommers appelle les éditions Prospero Press. Jonah Kensington est absent,

mais sa secrétaire lui apprend que l’enterrement de son ami Jackson Elias a lieu à 11h00 au Trinity Church Cemetary. Sans tarder, Sommers décide de s’y rendre pour y être avant le début des funérailles.

Avant de partir, il croise Alastar. Vêtu de guenilles malodorantes et puant le whisky, le prêtre défroqué n’avait pas eu sa chance.

Aucun taxi n’ayant voulu le prendre, il avait dû revenir à pied en pleine nuit depuis Harlem sous les regards dégoûtés des noctambules. Alastar avait rendez-vous avec la bibliothécaire Miriam Atwright à la NY Central Library, et Sommers lui demande d’en profiter pour se renseigner sur les membres de l’Expédition Carlyle et sur les tribus Kikuyu et Nandi.

Dehors, la tempête sévissant à leur arrivée s’était arrêtée, mais les rues étaient encore recouvertes d’une épaisse couche de neige.

 

Se faisant aider par la bibliothécaire et par trois étudiants, Alastar passe la matinée à la NY Central Library. Cultivant les montagnes centrales fertiles du Kenya, la tribu Kikuyu en était la principale ethnie indigène. Traditionnellement chrétiens, ils faisaient partie du groupe swahili. Les Nandis, eux, vivaient dans les hauts plateaux du Kenya, dans les collines portant leur nom et dans la province de la Vallée du Grand Rift. Ils appartenaient au peuple africain d’origine nilotique des Kalenjins. Connus pour être un peuple guerrier et sauvage, ils pratiquaient la circoncision et l’excision, et ils s’adonnaient au culte d’Asis, voulant dire ‘’soleil‘’ dans leur langue, ainsi qu’au culte des Ancêtres.

Ayant effectué à sa demande quelques recherches dans divers livres d’égyptologie, Miriam Atwright apprend ensuite à Alastar qu’elle a trouvé des références au symbole rituel gravé sur le front du cadavre d’Elias. Il

était lié à un culte pharaonique ayant quitté l’Egypte il y a fort longtemps pour s’enfoncer dans les terres d’Afrique, notamment au Kenya. Ce culte était dédié au Dieu de la Langue Sanglante

 

Puis, la fille du Pr. Anthony Cowles lui ayant parlé d’un article du NY Pilar Riposte sur la conférence donnée par son père au Hall Schuyler, conférence à laquelle aurait vraisemblablement assisté Jackson Elias, le prêtre compulse les journaux archivés à la NY Central Library et trouve rapidement l’article en question. L’exposé du Pr. Cowles traitait d’un ancien culte australien pratiquant les sacrifices humains : le Culte de la Chauve-souris des Sables. Ses adorateurs vénéraient le Père de Toutes les Chauves souris, et celui-ci aurait été vaincu par le Serpent Arc-en-Ciel, déification aborigène de l’eau et protecteur de la vie.

Pendant ce temps, grâce à de nombreux autres articles de journaux, les étudiants recrutés par Alastar lui ont préparé un topo sur les membres de l’Expédition Carlyle.

  • Roger Vane Worthington Carlyle avait mené une vie dissolue. Ses avocats lui avaient évité un procès en paternité à l’âge de 17 ans et il avait suivi une cure de désintoxication à 18. Après s’être fait virer de Harvard, de Yale, de Princeton et de Miskatonic, il avait finalement obtenu son diplôme à l’université de Groton. Il avait pris les rênes de la société Carlyle à la disparition de ses parents, morts dans un accident de voiture lorsqu’il avait 21 ans. D’une famille aisée, héritier d’une grosse fortune et à la tête de plusieurs entreprises (industries, médicaments, extraction de minerais), il n’avait pas tardé à dilapider ses biens, entre fiestas et mauvais placements. Curieusement, dans les mois ayant précédé son départ en Egypte, il s’était assagi et semblait beaucoup plus calme et rangé que par le passé.
  • Le Docteur Robert Ellington Hudson venait d’une famille de médecins. Il avait abandonné femme et cabinet pour partir à Vienn et étudier avec deux psychologues très controversés donnant une grande importance au comportement sexuel : Sigmund Freud et Carl Gustav Jung. A son retour à New York, Hudson avait ouvert un cabinet de psychanalyse pour gens aisés. Ses tarifs pouvaient monter jusqu’à US$ 60.00 la séance, et sa clientèle appartenait exclusivement à la haute société new-yorkaise. Roger Carlyle en avait d’ailleurs fait partie. Selon toute apparence, il aurait accompagné ce dernier dans son expédition en Egypte non seulement pour poursuivre son traitement, mais aussi pour échapper à un scandale qui l’aurait probablement ruiné : Il venait de rompre avec sa maîtresse Imelda Bosch, l’une de ses patientes avec qui il entretenait une liaison, et celle-ci s’était suicidée quand il l’avait quittée.
  • Sir Aubrey Penhew, Vicomte Pevensey, appartenait à la vieille noblesse anglaise, et l’histoire de sa famille remontait même jusqu’à Guillaume le Conquérant. Après de brillantes études à Oxford, il avait passé plusieurs années en Egypte à effectuer des fouilles et à cartographier les sites archéologiques avant de devenir soldat. Ancien officier des renseignements militaires britanniques jusqu’en 1916, il avait été promu colonel avant qu’une blessure de guerre ne l’écarte du service. On le dit fondateur de plusieurs branches importantes de l’Egyptologie, et il avait effectué notamment des recherches majeures dans la région de Dhashur. Il avait créé une fondation au Royaume-Uni afin de financer des recherches égyptiennes tant à Londres qu’à l’étranger ainsi que les études de jeunes désargentés. Richissime, il possédait de nombreuses demeures partout dans le monde, et il était tenu en haute estime par tous ses confrères égyptologues. Le prestige et la fortune n’avaient pas connu d’éclipse pour les Penhew ces huit derniers siècles.
  • Hypatia Celestine Masters, héritière des sociétés d’armement Masters, était une photographe de renom ayant fait plusieurs expositions dans le New Jersey qui avaient été couronnées de succès. Un tantinet rebelle, elle aurait eu une liaison avec un certain Raùl Luis Maria de la Piñera, marxiste notoire, ainsi qu’avec Roger Carlyle et beaucoup de monde d’ailleurs.
  • Jack Brady était un type au passé plus que louche. Il avait été impliqué dans de nombreuses bagarres et son nom était lié à des affaires de jeu et d’alcoolisme. Ancien sergent dans les Marines, il avait reçu l’Etoile de Bronze pour ses faits d’armes en Chine et en France, ainsi que plusieurs citations honorifiques diverses. Après la guerre, il avait été mercenaire en Turquie. Tout ceci s’était fini en Californie où, suite à une rixe ayant mal tourné, il avait étranglé et tué son adversaire. Heureusement pour lui, il venait de se lier d’amitié avec le jeune Roger Carlyle, qui venait de se faire virer de l’université locale. Les avocats de son ami s’étaient arrangés pour le faire acquitter, par des procédés plus ou moins légaux, et ils étaient devenus inséparables par la suite.

 

Après avoir donné chichement, et après quelques réticences, un dollar chacun aux trois étudiants lui ayant apporté leur aide,

Alastar rappelle en fin de matinée le domicile du Professeur Cowles. Cette fois-ci, une voix grave lui répond. Le prêtre lui demande alors si les noms de Jackson Elias ou du Culte de la Langue Sanglante lui disent quelque chose, mais tout comme sa fille, cela ne dit absolument rien à l’universitaire. En revanche, ce dernier lui confirme venir la semaine prochaine à New York pour deux jours, du vendredi soir au dimanche, et séjourner au Savoy Plaza. En raccrochant, Alastar se dit qu’ils devraient profiter

de sa venue pour le rencontrer. Pourquoi donc Elias serait-il venu assister à sa conférence sur ce Culte de la Chauve-souris en

Australie sans lui parler ? En quittant la New York Central Library, il décide d’envoyer un télégramme à Whitesnake avant de

retourner à son hôtel. Ils allaient avoir besoin de fonds importants pour leur voyage se profilant à l’horizon.

Arthus échappe à une mort certaine !
Arthus échappe à une mort certaine !

Martin et Arthus avaient passé la nuit à l’Hôtel Emerson, sans que rien ne se passe. Sans nouvelle de Sommers et d’Alastar, les deux compères choisissent de se rendre à l’enterrement de Jackson Elias. Mais alors qu’ils s’éloignent à pied dans les rues enneigées pour rejoindre le cimetière, ils entendent soudain des crissements de pneus et des hurlements !

Une voiture était en train de foncer droit sur eux, délibérément, et ils ont le temps d’apercevoir à travers le pare-brise un Africain au regard dément, les yeux exorbités et la bouche grande ouverte, au volant. D’un

bond, ils évitent in extremis le véhicule fou cherchant à les percuter, et celui-ci vient s’encastrer violemment dans un poteau. Sous la violence du choc, son conducteur est catapulté à travers la lunette, en sang.

Arthus se précipite, mais l’homme est déjà mort. Il le fouille rapidement mais ne trouve qu’un dollar sur lui, aucun document ni papier d’identité. Rien non plus dans la voiture. Alors que la foule commence à se rassembler et que les sirènes de police se font entendre, ils s’éclipsent discrètement et Marvin croit voir au loin une voiture déguerpir rapidement.

Trinity Church et son cimetière
Trinity Church et son cimetière

Ils arrivent juste à temps au Trinity Church Cemetary. Peu de monde était venu assister aux obsèques de Jackson Elias : Kensington, sa secrétaire, eux deux et le prêtre. Dissimulé depuis un moment dans un conifère lui offrant une vue dégagée sur les alentours du cimetière, armé de son fusil Enfield, Sommers observe de loin la mise en terre de son ami. Il était parfaitement dissimulé et même ses amis ne parviennent pas à repérer sa position.

Depuis la cîme, Sommers repère à l’écart, sur l’une des routes menant au cimetière, deux Nègres en train d’observer la

petite assistance dans une voiture. Sûrement pour repérer qui était présent. Depuis sa visite à la boutique Ju-Ju, O’Donnell

était repéré, et il en était probablement de même pour Arthus, son chauffeur, et le faux clochard … Marvin remarque lui aussi le

véhicule et s’éloigne l’air de rien vers une autre extrémité du cimetière pour en faire le tour et les prendre à revers. Mais celui-ci n’est plus là lorsqu’il arrive à son niveau.

Jonah Kensington est surpris de ne pas voir Sommers à l’enterrement, mais Arthus et Marvin le préviennent qu’il doit être dans le coin. Lorsqu’ils l’interrogent, l’éditeur de Prospero Press leur avoue ne pas connaître Erica Carlyle personnellement et n’avoir jamais entendu Elias parler d’un magasin d’objets africains à Harlem appelé Ju-Ju.

Arthus lui propose alors de reprendre l’enquête d’Elias, comme Sommers en a eu l’idée, et Kensington semble intéressé. Il propose de financer leur voyage à hauteur de US$ 1,000.00, et même de les éditer si ce qu’ils lui envoient est publiable. Il leur dit de passer à son bureau le lundi et propose de leur donner les contacts d’Elias à Londres.

Avant de se séparer, Marvin le met en garde contre les Nègres, en tant que dépositaire de nombreuses informations d’Elias, et le privé lui conseille de s’acheter un flingue. Vérifiant qu’ils ne sont pas suivis, ils regagnent ensuite le Gotham Hôtel. Leurs compagnons ne leur ayant donné aucun signe de vie depuis la veille au soir, mais ayant été vus par le personnel de l’hôtel le matin même, ils décident de les attendre au bar.

Sommers les y rejoint un peu plus tard en taxi, après avoir discrètement quitté son poste d’observation pendant que les fossoyeurs étaient occupés à descendre le cercueil de son ami dans la fosse.

 

Tony Petrosino NYPD
Tony Petrosino NYPD

Entretemps, Alastar retourne en taxi chez Emerson Imports. Il voulait savoir quel type de marchandises ils importaient pour le compte de Silas N’Kwane, et surtout quel(s) étai(en)t son (ou ses) expéditeur(s) au Kenya ? Arthur Emerson lui apprend qu’il s’agit d’objets d’art kenyans mais qu’il n’en sait pas plus et ne veut rien avoir à faire avec ces gens là.

Mais devant l’insistance du prêtre lui réclamant de voir séance tenante ses livres de comptes et ses factures et qui décide de faire un sitting dans son bureau, il le menace d’appeler les flics … et finit par le faire !

Au bout de 35 minutes, l’officier de police Tony Petrosino et son coéquipier, qui semblent bien connaître Arthur Emerson, débarquent dans les locaux d’Emerson et embarquent manu militari cet Irlandais mal fagotté se comportant comme un malade mental, probablement sous l’emprise de quelque drogue ! Après lui avoir passé les menottes, ils l’emmènent au commissariat en cellule de dégrisement, hésitant même devant son comportement irrationnel à l’emmener à l’hôpital

psychiatrique Bellevue. Du regard, Alastar cherche même un réverbère pour se taper la tête dessus et faire croire à de la brutalité policière.

La petite ruelle de la boutique Ju-Ju
La petite ruelle de la boutique Ju-Ju

Après avoir attendu en vain Alastar, les trois autres décident de passer à l’action. « Encore un Irlandais qui nous fait faux bond ! » lâche Arthus en ne voyant pas revenir leur acolythe. Marvin appelle la bibliothèque et apprend de Miriam Atwright que le prêtre l’a quittée en fin de matinée. Ó Ghallachoir avait disparu. Les Nègres l’avaient-ils capturé et étaient-ils en train de le torturer ?

 

Sommers leur raconte sa nuit de surveillance chez Ju-Ju et au cimetière, et les autres le mettent au courant de leur discussion avec Jonah Kensington. Sommers leur confirme sa volonté de rendre public ce qu’ils découvriront, comme le voulait son ami Elias. Mais suite à l’agression de la voiture folle, O’Donnell les convainc de monter dès aujourd’hui une expédition punitive chez JU-JU et de leur rendre coup pour coup ! Le privé part donc acheter de quoi faire cinq grenades incendiaires artisanales : bouteilles en verre, bouchons de liège, essence et chiffons, ainsi que des vêtements et des postiches.

De son côté, Sommers reçoit dans l’après-midi un message de la secrétaire de Carrington : une petite réception est organisée pour l’inauguration d’une exposition jeudi soir prochain, réception à laquelle l’homme d’affaire comme Erica Carlyle assisteront et pendant laquelle il pourra les présenter à la jeune femme. Le smoking étant de rigueur, après avoir examiné dans sa chambre le masque récupéré sur l’agresseur d’Elias (un masque en toile de jute avec des plumes s’avançant comme une grosse langue rouge), Sommers sort donc lui aussi effectuer quelques achats : un smoking, un manteau en peau de chien très tendance et des souliers vernis. Dans la perspective de devoir passer une autre nuit sur les toits enneigés, il achète aussi une chaude veste de marin, une boîte de corned-beef et une de haricots.

Vers 18h00, après s’être lourdement armés, ils quittent à tour de rôle le Gotham Hôtel par l’entrée de service et, chacun à bord d’un taxi différent, rejoignent le quartier d’Harlem. Avant de partir, Marvin laisse au cas où un mot pour Alastar à la réception :

 

« Si tu lis ceci, c’est que tu n’es pas mort. Rejoins-nous là ou tu étais hier en ivrogne. Signé O’Donnell. ».

 

Une heure et demi plus tard, Alastar est en effet libéré : « Allez, Monsieur le curé, dehors ! Et pas d’esclandre ! ». De retour à l’hôtel, il trouve le mot d’O’Donnell mais la journée ayant été dure, il décide de prendre un bain et, après avoir dîné au restaurant, de rester sagement planqué dans sa chambre et de prier pour ses compagnons.

 

Tandis que Sommers, se trimbalant avec son étui de violon, déambule nonchalamment dans Harlem et observe discrètement les allées et venues, Marvin et Arthus se glissent discrètement dans la ruelle adjacente déserte et, pendant que le Frenchy fait le guet, l’Irlandais crochète plus ou moins facilement le cadenas bloquant la porte du magasin abandonné dont la devanture donne sur l’arrière-cour devant chez JU-JU. Depuis l’intérieur, ils observent à travers les fenêtres condamnées la boutique de colifichets africains et les cinq sentinelles déguisées en squatteurs déguenillées vautrés dans Ramson Court. Entre 18h30 et 19h00, ils voient entrer et sortir trois clients de chez JU-JU : Trois Nègres, tous les trois repartis avec quelques emplettes. A 19h00, Silas N’Kwane ferme son magasin, mais aux alentours de 20h00, une dizaine de personnes arrivent en petits groupes disséminés, en majorité des hommes mais aussi quelques femmes, et pénètrent dans la boutique. Dans l’heure qui suit, 18 autres personnes les y rejoignent, tous d’apparences on ne peut plus ‘’normales‘’. Cela commençait à faire beaucoup de monde pour la petite boutique de Silas N’Kwane. Devant cette affluence nocturne plus que suspecte, Sommers rejoint à son tour vers 21h30 la ruelle voisine et escalade furtivement l’échelle de secours, avant de s’installer de nouveau sur le toit, observant les sentinelles qu’il met en joue tout en mangeant sa boîte de haricots.

Vers 22h30, un grand Nègre en costume de belle facture et avec un grand manteau, d’où dépasse une lame de pranga, se pointe à son tour chez Ju-Ju. Ce devait être un type important, car il était accompagné de 4 malabars armés de 22 mm. Plus personne ne se pointe après lui. Des murmures se font entendre à l’intérieur de chez Ju-Ju, puis vers 23h00, le silence se fait à nouveau et seuls deux Nègres restent bientôt en faction.

 

Marvin et Arthus décident alors de passer à l’action. Les deux Nègres postés dans Ramson Court sont rapidement neutralisés. Le Frenchy ressort par la ruelle arrière et fait le tour, s’approchant de l’impasse menant chez Ju-Ju comme s’il était passablement éméché. Alors que les Nègres s’approchent de lui d’un air peu commode, Marvin force la porte condamnée du magasin et s’approche silencieusement derrière eux. Il assomme net l’un des deux d’un bon coup de poing américain, lui faisant sauter quelques dents au passage, tandis qu’Arthus en profite pour planter proprement le second, surpris, de sa canne-épée. " Et vive la France ! " lance le Frenchy en écrasant du pied le larynx du type mis KO par son compère. Après avoir dissimulé les deux corps dans le magasin abandonné et les avoir fouillés (2 dollars, une matraque, deux poings américains), ils font signe à Sommers de les rejoindre et s’approchent à pas de loup de l’échoppe de Silas N’Kwane. « Ça va être la fête à Ju-Ju ! » lance froidement O’Donnell. Pendant que Sommers descend de son perchoir, Marvin parvient à ouvrir la porte au bout d’un quart d’heure qui leur parait horriblement long, et, empêchant la clochette d’entrée de sonner au moyen d’un chewing-gum, ils pénètrent subrepticement chez Ju-Ju.

De nombreux objets africains hétéroclites s’entassaient un peu partout, et il y avait même un crocodile empaillé dans un coin. Sommers referme à clef derrière eux et, derrière le comptoir, ils découvrent une trappe cachée sous un tapis. En entrouvrant la trappe, ils entendent des murmures lointains, comme d’obscènes incantations. Une volée de marches en pierre descendait dans l’obscurité sur 5-6 mètres, donnant sur un couloir d’une dizaine de mètres de long, éclairé de quelques torches. Au bout, ils aperçoivent une grosse porte massive bardée de fer. Des vêtements étaient éparpillés par terre ou pendus sur des crochets fixés aux murs ; Marvin repère même sur le sol les 4 petits revolvers de calibre 22 des gardes du corps que Sommers, qui couvre leurs arrières, empoche aussitôt. Les murs étaient recouverts de symboles impies, et le privé retient un frisson en reconnaissant certains symboles figurant dans les ouvrages qu’ils avaient pu lire. Il retient un juron :« Bon sang, mais ces trucs extra-terrestres sont en train d'envahir les Etats-Unis d'Amérique ! »Une étrange sensation d’oppression et de malaise les envahit alors que le trio s’avance dans le boyau.

 

 

Les cris et les supplications se faisaient de plus en plus forts. Par le trou de la serrure, Arthus voit des hommes en érection complètement nus et des couples en train de copuler bestialement ; tous portaient le même masque que les agresseurs d’Elias, et un grand type (le Nègre bien habillé arrivé en dernier) passait parmi les corps entremêlés, vêtu d’une cape en peau de bête et tenant une patte de lion griffue dans la main. Au fond de la salle, le Frenchy remarque un rideau et, dans le coin droit, deux Nègres en train de tirer sur des cordes reliées à une poulie. Après quelques tergiversations, ils décident de tirer dans le tas. Sommers et Arthus préparent leurs mitrailleuses Thomson et Marvin arme son fusil à pompe. Face à une trentaine d’individus, mieux valait ne pas faire dans la dentelle !

Mais alors qu’O’Donnell s’escrime à forcer la serrure complexe de la lourde porte, des hurlements de souffrance retentissent soudain. Marvin s’écarte pour laisser Arthus jeter un autre coup d’œil, et celui-ci aperçoit un homme se jeter comme un hystérique dans une fosse, dissimulée jusque là par une lourde dalle retenue par les poulies, et deux autres en traîner un second vers le puits et l’y jeter sauvagement. Des grognements rassasiés abjects se font alors entendre au fond du trou. Au bout d’une vingtaine de minutes, Marvin parvient enfin à crocheter la serrure, quand brusquement, un cri retentit dans la salle : « OKUNGA ! », et le silence se fait. Marvin donne alors un bon coup de pied dans la porte qui s’ouvre violemment.

Agenouillés sur le seuil, Sommers et Arthus arrosent copieusement de rafales nourries l’intérieur de la salle. Sous le déluge de balles, les corps entremêlés s’écroulent, tandis que debout derrière eux, O’Donnell abat celui qui semble être le chef de 2 balles en pleine tête, avant de réserver le même sort à Silas N’Kwane.

Mais alors que les cadavres s’amoncellent et que les gémissements des victimes s’amenuisent peu à peu, deux silhouettes lugubres émergent du fond de la pièce. Horrifiés, les trois compères aperçoivent alors deux Nègres tituber vers eux, d’une démarche hésitante. Leurs mâchoires pendouillaient, leurs chairs noires et racornies semblaient en état de décomposition avancée, leurs yeux étaient vides et morts. Des zombies !!!

Les balles et la lame de la canne-épée d’Arthus restant sans effet sur ces abominations, comme ils peuvent rapidement s’en rendre compte tout en esquivant les attaques des deux morts-vivants cherchant à les mordre et à les griffer en poussant des grognements sourds, c’est à coup de Bowie Knife et de poings américains que le trio arrache, tranche et explose les mâchoires et les crânes décomposés des deux répugnantes créatures qui finissent par s’écrouler à leurs pieds.

 

Pendant que Marvin et Arthus se précipitent vers le puits fermé par la dalle, devant probablement renfermer d’autres zombies, Sommers se précipite sur le corps du chef. Il ramasse la cape du grand-prêtre, en peau de bête avec des plumes accrochées dessus, ainsi que ce qu’ils prenaient pour une patte de lion : des griffes fixées à un gant au bout d’une pièce de bois. Puis, derrière le rideau déchiqueté par les balles, il récupère sur un petit bureau où se dressaient 16 totems en bois africains très moches, mesurant entre 20 et 60 cm de haut et représentant des hommes et des femmes nus, les objets suivants : - Un ouvrage peu volumineux, en anglais, intitulé « Africa’s Dark Sects » (celui qui avait été dérobé à la NY Central Library visiblement), - Un énorme et vilain masque de démon africain, taillé dans du bois noir veiné de rouge, avec une gueule garnie de dents et des cornes, et pouvant être porté, - Un sceptre africain en bois sculpté couvert de runes, ainsi que 2 objets rituels, gravés eux aussi de runes (mais différentes) : - Un bol de cuivre poli, - Un cerclage en métal gris, peut-être un serre-tête. A l’intérieur du bol, Sommers trouve une note adressée à Silas N’Kwane par ‘’le Grand-Prêtre de la Chauve-souris des Sables‘’ l’informant que ce bol avait été découvert près de l’Ayers Rock.

 

Pendant ce temps, s’arc-boutant sur les cordes reliées aux poulies, Marvin soulève la trappe du puits d’où proviennent d’inquiétants gémissements. Arthus allume l’une de leurs grenades incendiaires et la balance dedans sans hésiter. Un énorme bruit retentit, et la pierre se soulève alors qu’Arthus aperçoit une masse informe en train de soulever la trappe en poussant des cris inhumains, comme si plusieurs voix mélangées hurlaient leur douleur et leur désespoir sous la morsure des flammes.

Marvin hurle à Sommers, en train de piller les objets du Culte, de lui jeter une de ses grenades et, tandis qu’Arthus bande à son tour ses muscles pour soulever la dalle de quelques centimètres, il jette un bref coup d’œil. Une masse informe dégueulasse composée d’une quinzaine de visages humains grimaçants était en train de remonter dans le conduit. Marvin dégoupille la grenade et la lance dans le trou avant qu’Arthus ne laisse retomber la dalle. Sous la déflagration qui s’ensuit, la chair de l’abominable Chose explosée suinte à travers les minuscules interstices.

Après cette vision d’horreur, craignant que les bruits du bref combat n’aient alerté le quartier et d’autres adversaires, les trois comparses quittent précipitamment la pièce.

Au passage, Arthus fouille le costume de celui qui était leur chef et trouve, en plus de 9 dollars, des papiers au nom de Mukunga M’Dari. Avant de remonter les marches, le Frenchy balance dans la salle et le couloir leurs quatre autres grenades artisanales, mettant le feu à ce sinistre lieu.

 

35 morts, 2 zombies et un ‘’truc aux visages torturés‘’ ! Quelle hécatombe… « Fallait pas commencer ! » commente sobrement Marvin.